« Vraies passions, vrais talents. Et si les passionnés étaient les salariés modèles de demain ? », de Clément Finet (Manitoba/Les Belles Lettres, 208 pages, 23 euros). | DR

Mars 2011. Dans la salle des fêtes de l’Hôtel de Ville de Paris se tient le Congrès national des business angels. Clément Finet est venu prendre le pouls des investisseurs. A l’heure du déjeuner, attablé auprès d’un petit groupe de business angels, il expose son projet : faire de la passion un axe de recrutement exploitable pour les entreprises. Ses interlocuteurs ne sont pas séduits. Sceptiques, ils ne voient pas en quoi la passion pourrait avoir sa place dans le cadre du travail.

Quelques heures plus tard, pour clore la journée de tables rondes, un ministre prononce une allocation. Le dernier quart d’heure est consacré à la passion. Le discours est salué par plusieurs salves d’applaudissements. « Comment se fait-il que lorsque le ministre parle du rôle et de la valeur de la passion dans le cadre du travail, tout le monde acquiesce et applaudit, et que, quand un quidam parle de cette même passion, tout le monde détourne le regard, l’air embarrassé, en faisant mine de ne comprendre ni le sens ni la pertinence de son propos ? », s’interroge – partant de ces exemples – Clément Finet dans son ouvrage Vraies passions, vrais talents.

Incantation

De Thierry Breton qui tweete « la croissance de demain c’est surtout la passion qui est en vous », à Alain-Dominique Perrin, patron de Cartier, qui clame « n’oubliez jamais que ce sera la passion qui devra guider votre vie », beaucoup de personnalités se font le chantre de la passion professionnelle. Mais leurs propos résonnent comme une incantation : les entreprises attendent du concret.

Pour mettre en avant sa passion comme un atout professionnel, il faut apporter la preuve tangible des avantages qui en découlent. C’est le but de Clément Finet : « si les grands de ce monde vous ont donné l’idée et l’envie de vivre votre passion, alors sachez que ce livre a été écrit dans l’optique de vous livrer les outils et les moyens qui vous permettront de la leur vendre, ainsi qu’aux entreprises ».

L’ouvrage, écrit à la première personne, dans un style simple et direct, ne se penche pas sur le cas du trader qui plaque tout pour devenir comédien, ou du jeune patron de start-up qui rachète un vignoble dans la région de son cœur pour se consacrer à sa véritable passion. Car justement, l’auteur se bat contre l’idée qui veut que « pour faire quelque chose qui nous plaise vraiment, pour vivre de sa passion, on n’a pas d’autre choix que de se mettre à son compte ».

Pour le fondateur du cabinet de recrutement Profil Alternatif, les chiffres impressionnants de créations d’entreprise en France – 550 000 entreprises créées en 2014 – signent avant tout l’échec des entreprises existantes à reconnaître, « faute d’outils et d’audace, les qualités pourtant présentes et parfois même évidentes d’un grand nombre de personnes, de fait poussées à créer leur entreprise ».

Une batterie d’outils

Comment alors faire de la passion professionnelle un critère de recrutement légitime et viable pour les entreprises ? Le premier défi réside dans les difficultés rencontrées par les candidats pour mettre en avant la passion qui les anime lors d’un recrutement.

L’auteur propose donc une batterie d’outils qui leur permettra de rendre leurs passions intelligibles et désirables aux yeux des recruteurs. On peut citer la nomenclature de la passion professionnelle (NPP), dont l’objet est de recenser l’ensemble des formes de passions que l’on est susceptible de rencontrer dans l’univers professionnel et de nous permettre de juger de leur intérêt.

Ou encore le CVA, CV Alternatif qui dans un format libre, permet au candidat d’exprimer les facteurs constituant sa personnalité et ses expériences extraprofessionnelles intéressantes pour les entreprises.

Cet outil offre aux recruteurs la possibilité de voir poindre, dans la première phase de recrutement, « cette étincelle qui fait toute la différence ». Le CVA n’a pas vocation à supplanter le CV classique, mais plutôt à venir occuper la place laissée libre par la lettre de motivation, souvent caricaturale et stéréotypée, « obligatoire » mais à laquelle les recruteurs n’ont recours comme seul source de recrutement que dans 10 % des cas.

Sensibiliser entreprises et recruteurs

Mais pour faire de la passion un axe de recrutement de premier ordre, il faut aussi sensibiliser les entreprises et les recruteurs aux vertus de la passion professionnelle. Pour Clément Finet, il s’agit moins de savoir si le concept est bon que de comprendre s’il est aujourd’hui acceptable et recevable en France.

Selon lui, la société est déjà prête, le basculement s’opérera quand les décideurs seront prêts à leur tour. C’est-à-dire quand les grands patrons ne diront plus : « “votre passion, c’est la croissance de demain” à des parterres d’étudiants mais plutôt : “la passion est la croissance de demain”, à leurs DRH ! ».

« Vraies passions, vrais talents. Et si les passionnés étaient les salariés modèles de demain ? », de Clément Finet (Les Belles Lettres, 208 pages, 23 euros).