Antoine et Steve, le 4 juin à Metz. | FRANCK FIFE / AFP

  • Le favori : la France

Depuis 1980 et la formule avec une phase de groupes, la France est le seul pays hôte à avoir remporté « son » championnat d’Europe de football. C’était en 1984, Michel Platini survolait littéralement le tournoi en marquant 9 buts en 5 matchs. Pour le président déchu de l’UEFA, c’était il y a une ou deux éternités. Pour les Bleus d’aujourd’hui, la référence est plutôt à chercher du côté de 1998, un, deux, trois, zéro contre le Brésil en finale du Mondial et la folie dans les rues d’un pays qui se découvrait un amour soudain, et capricieux, pour le football.

Affaire de « la sextape », contrôle antidopage positif qui entraîne une suspension elle-même suspendue ensuite, débat incendiaire lancé par un ancien protégé et autres commentateurs, blessures en cascade… depuis quelques mois, Didier Deschamps accumule, sur et en dehors du terrain, une série de tuiles qui suffiraient à couvrir d’un toit le court central de Roland-Garros.

A la tête d’un collectif ambitieux, talentueux, et fort de l’insouciance de sa jeunesse, Didier Deschamps tente de garder le cap, vers la victoire finale si possible. Après une Coupe du monde 2014 correcte (élimination 1-0 en quarts contre le futur champion allemand), le sélectionneur n’a cessé de peaufiner son groupe lors d’une série de matchs amicaux avec des hauts et des bas.

L’enthousiasme offensif des matchs du mois de mars contre les Pays-Bas (3-2) et la Russie (4-2) ne cache pas l’inquiétude qui entoure une défense décimée (absences de Varane, Sakho, Mathieu, Zouma, Debuchy, Tremoulinas…), au milieu de laquelle certains considèrent désormais Adil Rami, oublié depuis juin 2013, comme un improbable messie.

Mais les Bleus ont un groupe abordable. En décembre 2015, lors du tirage au sort, Deschamps avait encore sa bonne étoile qui brillait quelque part au-dessus de sa tête. Elle serait bien avisée d’en retrouver le chemin, même si on imagine mal les Bleus trébucher face à leurs adversaires du premier tour. Tout autre résultat qu’une première place serait jugé décevant, et lancerait bien mal la campagne qu’un pays exsangue ne demande qu’à soutenir, quitte à se convaincre que Super Victor vaut bien Footix.

Le joueur à suivre : Antoine Griezmann. 22 buts en Liga, 7 en Ligue des champions, et un statut de nouvelle star du football tricolore qu’il va désormais devoir porter sur ses frêles épaules depuis la non-convocation de Karim Benzema… Apparu en bleu juste avant le Mondial 2014, où il avait tout aussi soudainement pris la place d’un Franck Ribéry à bout de souffle, Antoine Griezmann prend les espaces vite fait bien fait. Le Mâconnais, qui a encore tout à prouver en bleu, espère devenir le fer de lance d’une attaque française qui aura rarement été aussi bien outillée.

Xherdan Shaqiri en action contre la Belgique, le 28 mai. | DENIS BALIBOUSE / REUTERS

  • L’outsider : la Suisse

Le départ de l’emblématique sélectionneur Ottmar Hitzfeld a laissé la Nati orpheline après un Mondial 2014 décevant, et il a fallu un miracle — c’est-à-dire une victoire arrachée dans les dernières minutes contre la Slovénie —pour que la Suisse gagne son ticket pour l’Euro. Finalement deuxième de son groupe de qualification, derrière une Angleterre intouchable, la sélection de Vladimir Petkovic n’est jamais simple à manœuvrer mais peine à jouer. Sa colonne vertébrale, avec le gardien Sommer, le défenseur Schär et le milieu Xhaka, récemment transféré à Arsenal, manque d’un attaquant sachant attaquer, ce qui est toujours compliqué, et plus encore depuis la blessure du numéro 9 Drmic.

Le joueur à suivre : Xherdan Shaqiri. Le 1,69 m de l’explosif ailier porte les espoirs d’une Nati qui attend toujours la confirmation au plus haut niveau de sa jeune génération dorée, derrière les Seferovic et autres Xhaka. Auteur d’un triplé remarqué au Mondial 2014 contre le Honduras (3-0), Shaqiri jouera son premier Euro et aura à cœur de prouver qu’il peut encore tutoyer les sommets, après un transfert cette saison vers l’anonymat du Stoke City FC, à la suite de passages mitigés au Bayern ou à l’Inter Milan.

Anghel Iordanescu et Vlad Chiriches causent tactique, le 5 juin à Orry-la-Ville. | KENZO TRIBOUILLARD / AFP

  • Les trouble-fêtes : la Roumanie et l’Albanie

Les deux autres pensionnaires du groupe A affichent une caractéristique similaire : leur star, c’est l’équipe. Pas de grands noms d’un côté ni de l’autre, mais quelques solides gaillards, et un collectif qui promet de jolies séances d’attaque-défense à leurs adversaires.

Emmenée par le toujours vaillant Anghel Iordanescu, sorti de sa carrière politique pour reprendre les rênes des Tricolorii, la Roumanie arrive en France avec une certitude : elle sait défendre. En 10 matchs de qualifications, elle n’a encaissé que 2 buts. Impressionnant. Un peu moins quand on considère l’opposition : elle a terminé derrière l’Irlande du Nord, juste devant la Hongrie et la Finlande, profitant aussi de l’effondrement de la Grèce dans ce groupe.

Côté Albanais, le sélectionneur italien Gianni de Biasi a également misé sur un bon vieux « catenaccio », on verrouille et Lorik Cana mange la clé. Qualifiés à la surprise générale pour leur premier grand tournoi, en devançant tout de même le Danemark et la Serbie, les Rouge et Noir n’ont peur de rien. Au printemps 2015, ils écrasent le Portugal 1-0 puis écrabouillent les Bleus sur le même score, leur préféré. A noter que la rencontre contre la Suisse offrira un duel fraternel, ou fratricide, avec Xhaka contre Xhaka, Granit côté suisse contre Taulant côté albanais.

Les joueurs à suivre : Vlad Chiriches (Roumanie) et Etrit Berisha (Albanie). Il vient de récupérer le brassard de capitaine, jusqu’alors confisqué par l’inamovible Razvan Rat. Le défenseur central Vlad Chiriches sort d’une saison remarquable avec le Napoli, et entend bien faire à l’Euro ce qu’il fait de mieux : museler tout ce qui s’approche de la cage de son équipe, et en premier lieu Olivier Giroud et consorts, vendredi 10 juin pour le match d’ouverture. « Je serai à cent pour cent contre les Bleus », a précisé Chiriches. Personne n’en doutait.

Côté Albanais, outre le francophile Lorik Cana, la star de l’équipe se nomme Etrit Berisha. Et non, il n’est pas défenseur. Il est gardien de but. Du haut de son 1,94 m, Berisha s’est révélé en remportant le championnat de Suède et un titre de meilleur gardien au pays de Thomas Ravelli et Andreas Isaksson. A la Lazio Rome depuis 2013, il a profité en sélection du choix de son concurrent Samir Ujkani d’aller jouer pour le Kosovo pour devenir un dernier rempart plutôt convaincant de l’Albanie.

Patrice Evra et un supporteur des Bleus, le 27 mai à l’hippodrome de Vincennes. | FRANCK FIFE / AFP

  • Le scénario probable

Et un, et deux, et trois zéro… Les Bleus font exploser la défense roumaine en ouverture, puis rendent la monnaie de leur pièce aux Albanais avec un triomphe 1-0 sur un but contre son camp de Cana à la 92e minute. Le duel contre la Suisse est une formalité, les coiffeurs tricolores se dégourdissent les jambes lors d’un match entre deux défenses à trous, comme l’emmental et contrairement au gruyère, et qui se finit sur le score joyeux de 5-5. Tous les autres matchs de ce groupe, entre la Suisse, la Roumanie et l’Albanie, finissent sur des 0-0. La France termine première et la Suisse deuxième, devançant la Roumanie au nombre de buts marqués, et donc grâce à la défense tricolore.

  • Le scénario improbable

Et un, et deux, et trois fois zéro-zéro… Les Bleus font chou blanc malgré une attaque que tout le monde voyait flamboyante, mais qui échoue à percer le moindre coffre, suisse, albanais ou roumain. Avec trois points au compteur, la France se qualifie in extremis au titre de meilleur troisième du premier tour, mais elle tombe contre l’Allemagne en huitièmes. Le pire, ou le meilleur, est donc à venir. Devant les Bleus, les Albanais pavoisent sur la plus haute marche du podium du groupe A, après avoir déprimé les Suisses, bons derniers, et les Roumains. Ces derniers s’en sortent à la 2e place, un quadruplé de l’ancien Nantais Keserü leur ayant offert les trois points contre la Nati.