Des affiches de campagne à Port-au-Prince, le 10 octobre 2015 avant le premier tour de l’élection présidentielle, depuis annulé. | Dieu Nalio Chery / AP

Le premier tour de la présidentielle haïtienne a été annulé et un nouveau scrutin se tiendra début octobre, a annoncé lundi 6 juin le président du conseil électoral provisoire, ouvrant la voie à une sortie de crise politique autant qu’aux critiques sur un processus qui s’enlise.

« Le conseil a décidé la reprise du premier tour de l’élection présidentielle » a déclaré Léopold Berlanger, le président du conseil électoral provisoire (CEP), annonçant que les deux tours de la présidentielle en Haïti auront lieu le 9 octobre prochain et le 8 janvier 2017.

En prenant cette décision, le CEP a suivi les conclusions du rapport de la commission de vérification électorale qui avait recommandé, après un mois de travail sur les documents électoraux, l’annulation du premier tour du scrutin présidentiel, tenu le 25 octobre 2015, en raison de fraudes.

Les résultats du premier tour avaient été largement contestés par l’opposition qui avait condamné un « coup d’Etat électoral » au profit de l’ancien président Michel Martelly. Le candidat du pouvoir Jovenel Moïse avait recueilli 32,76 % des voix contre 25,29 % pour Jude Célestin. Les 54 candidats en lice lors du vote d’octobre dernier ont jusqu’au 22 juin pour confirmer au CEP leur participation à la nouvelle élection présidentielle.

En expliquant qu’il était notamment impossible de retracer l’origine de 40 % des votes, la commission a confirmé les accusations de fraudes formulées par l’opposition et les principales organisations de la société civile.

S’il n’a pas été décidé l’annulation des législatives qui s’étaient pourtant tenues le même jour et donc dans les mêmes conditions, l’avenir de certains parlementaires en poste depuis janvier est néanmoins remis en question.

« Le conseil a décidé d’examiner, au cas par cas, 42 dossiers concernant des députés et sénateurs, signalés au CEP par la commission dans son rapport », a indiqué Léopold Berlanger qui n’a pas nommé les 3 sénateurs et 39 députés concernés.

Nouveau marathon électoral

Haïti entame donc un nouveau marathon électoral car, en plus de la présidentielle, le pays va aussi organiser le deuxième tour des législatives partielles, toutes les élections locales, certaines initialement prévues en 2011, ainsi que les deux tours pour le renouvellement d’un tiers du sénat.

« Reprendre les élections à zéro va considérablement prolonger la période pendant laquelle Haïti reste sans président démocratiquement élu », a réagi lundi Kenneth Merten, responsable de la coordination avec Haïti au sein du département d’Etat américain. Cela « pourrait également remettre en question la capacité américaine à soutenir financièrement le processus électoral haïtien », a-t-il prévenu.

Le Core Group, qui réunit les missions des Nations unies et de l’Organisation des Etats d’Amérique ainsi que les ambassades de plusieurs pays dont la France et les Etats-Unis, appelle dans un communiqué au respect du nouveau calendrier. Il s’est toutefois déclaré « vivement préoccupé par la décision de reprendre l’élection présidentielle qui aura des conséquences en matière financière et allongera le processus électoral débuté en 2015 ».

Le CEP, de son côté, n’a pas pu indiquer lundi le budget global de ces opérations électorales mais ce long processus représente une dépense exceptionnelle que le pays le plus pauvre de la Caraïbe ne peut assumer seul. Pour les élections avortées de 2015, le budget de près de 100 millions de dollars avait été majoritairement financé par la communauté internationale.