Film sur Ciné+ Club à 20 h 45

HARVEY MILK bande annonce VF
Durée : 02:18

Gus Van Sant retrace avec grand talent l’épopée politique et intime d’un leader homosexuel de San Francisco (jeudi 16 juin à 20 h 45 sur Ciné+ Club).

On peut appeler ça de la comédie ou de l’art dramatique, ou alors un miracle – ce moment où un acteur disparaît à l’intérieur de son personnage. Dès les premières séquences du film, Sean Penn s’évanouit et se réincarne en Harvey Milk, personnage historique, martyr de la cause gay et héros du film de Gus Van Sant.

Sean Penn (au centre) interprète Harvey Milk dans le film de Gus Van Sant. | SND/PHOTO CREDIT : PHIL BRAY

Milk fut le premier homme ­politique américain ouvertement homosexuel à détenir un mandat électoral (conseiller municipal de San Francisco). Un an après son élection, en 1977, il fut assassiné, en même temps que le maire de la ville, George Moscone, par Dan White, un autre conseiller ­municipal.

Il y a de la révérence dans le portrait de Harvey Milk que font Gus Van Sant et Sean Penn, un soin minutieux à mettre en évidence sa force de conviction, son humanité, sa fragilité. Il faut ­rappeler qu’une icône, c’est d’abord une œuvre d’art, parfois un chef-d’œuvre. Face à cette icône gay, il faut avoir une capacité de résistance peu commune, aux émotions comme aux arguments, pour ne pas sortir du film empli d’admiration, pour le film comme pour son sujet.

Le scénario de Dustin Lance Black présente Harvey Milk en 1970, le soir de ses 40 ans, draguant un joli garçon dans le ­métro new-yorkais. Scott Smith (James Franco) est un hippie qui emmène Milk vers l’habitat naturel de son espèce, San Francisco, qui à ce moment était en passe de devenir la capitale gay des Etats-Unis.

Dès l’arrivée à San Francisco, le film prend une ampleur solaire, mettant en scène l’irrésistible libération de ceux qui, non seulement n’ont plus besoin de se cacher, mais décident de prendre quelques places au premier rang.

C’est cette métamorphose qui fait la grandeur du travail de Sean Penn. Bien sûr, il maîtrise les mimiques, les maniérismes d’un gay des années 1970, mais ce ne sont que des outils qui enveloppent l’ouverture de Milk au monde, la prise de conscience de son ­charisme, son apprentissage du jeu politique. Autour de la figure de Milk-Penn, Gus Van Sant fait graviter ses amants, ses alliés politiques et ses adversaires.

Tragédie américaine

Dan White, l’assassin de Milk et du maire Moscone, est l’incarnation de l’opposition à la reconnaissance du droit des homosexuels. Il était l’élu d’une circonscription ouvrière, un père de ­famille qui se voulait l’incarnation de la norme américaine. Josh Brolin, à qui Gus Van Sant a donné le rôle, en fait un personnage sombre, ambigu, à la fois fasciné et révulsé par Milk. Le film continue de prendre de l’ampleur au fil des succès de son héros. ­Celui-ci doit affronter la violente campagne antigay lancée par la chanteuse Anita Bryant, dont les émules californiens tentent de faire interdire, par référendum, l’accès de l’enseignement public aux professeurs homosexuels.

Harvey Milk Speech Hope
Durée : 01:55

Gus Van Sant est un cinéaste parfaitement ambivalent, capable du radicalisme formel le plus intransigeant comme de la soumission la plus totale au langage hollywoodien. Harvey Milk est peut-être le premier film dans lequel il réconcilie les deux versants de son talent. Les morceaux de bravoure sont filmés avec le panache nécessaire. Les scènes d’intérieur, qui mettent en scène la vie privée tumultueuse du politicien, sont plus incisives, souvent cruelles. Et, pour le finale tragique, Gus Van Sant utilise avec une assurance stupéfiante les acquis d’Elephant (2003) et Last Days, filmant à nouveau une tragédie américaine, avec ce mélange de détachement ultralucide et de colère qui est devenu sa marque.

Harvey Milk, de Gus Van Sant. Avec Sean Penn, James Franco, Diego Luna (EU, 2008, 126 min). Le jeudi 16 juin à 20 h 45 sur Ciné+ Club. Rediffusion le vendredi 24 juin à 13 h 30.

Affiche d’« Harvey Milk ». | DR