Le canal du Loing, à Saint-Mammès, le 2 juin. | Jerome Delay / AP

Moins impliqués dans les opérations de secours que les pompiers ou la protection civile, ils se font discrets. Pourtant, ils sont aussi en première ligne. Les hommes et les femmes de Voies navigables de France (VNF) ne connaissent pas le repos depuis le début des crues sur les cours d’eau de l’Ile-de-France et des départements voisins.

Créé en 1991, et devenu établissement public administratif (EPA) en 2013, VNF gère 6 800 kilomètres de fleuves et de rivières, le plus grand réseau européen de voies navigables, dont 1 468 km dans le bassin de la Seine – la Seine, la Marne, l’Oise, le Loing, l’Yonne… Autant dire que les 1 000 salariés de la direction territoriale de ce bassin (4 700 au niveau national), dont 800 sont chargés de l’exploitation et de la maintenance sur le terrain, ne chôment pas.

« Nos urgences sont multiples : surveiller les digues et les barrages, commencer à remettre en état le matériel là où la décrue qui a commencé en certains endroits le rend accessible, dégager les barrages et les écluses des embâcles [les débris, troncs d’arbres, branchages qui forment des bouchons] qui les bloquent, aider à la surveillance des bateaux… », explique Marc Papinutti, directeur général de VNF.

Laisser couler l’eau

L’urgence s’est imposée. VNF a vite interdit, avec la préfecture de police, la circulation sur les cours d’eau. A Paris, la décision a été prise jeudi, alors que la Seine affichait une hauteur de crue de près de 4,50 m. Toute navigation est désormais interdite dans la région et l’organisme a aussi demandé aux bateaux de tourisme qui remontent le fleuve à partir de Rouen ne pas naviguer. Il a alors fallu contrôler les embarcations, s’assurer qu’elles étaient bien amarrées ne risquant ainsi pas de dériver et d’endommager les ouvrages, ponts, barrages, berges…

Mais la première des tâches, dès que les flux et les masses d’eau ont augmenté sur tous les affluents de la Seine, a été d’abaisser les 54 barrages qui se trouvent en amont de Paris : 8 sur la Seine, 24 sur l’Yonne, 7 sur la Petite-Seine (de Montereau à Conflans-sur-Seine) et 15 sur la Marne – 8 barrages se trouvent aussi sur la Seine mais en aval de la capitale.

« Notre première règle, quand il y a beaucoup d’eau, c’est d’abattre les barrages pour que celle-ci coule », rappelle M. Papinutti. Loin de la thèse qui fait souvent surface lors des inondations importantes, comme dans la Somme en 2001 : Paris se protégerait des crues en inondant les régions en amont. Une petite musique réentendue à Nemours, par exemple, il y a quelques jours.

« J’applique scrupuleusement le règlement qui est de laisser couler l’eau vers l’aval, témoigne le directeur général de VNF. Nos barrages ne sont pas là pour retenir l’eau, comme ceux d’EDF, mais pour maintenir le niveau d’un cours d’eau afin que la navigation y reste possible. » Le rôle de ces barrages est différent de celui des écluses qui permettent aux bateaux de franchir des hauteurs difficiles.

Le travail de ces ouvrages de régulation et de sécurisation des cours d’eau peut expliquer, d’une certaine manière, l’incrédulité des habitants face aux événements extrêmes que connaissent l’Ile-de-France et les régions voisines. « Nous avons éliminé la plupart des petites inondations, en régulant mieux les niveaux, et les gens n’ont plus l’habitude de ces montées d’eau qui survenaient quasiment chaque année », avance Marc Papinutti. Alors, quand celles-ci touchent les habitations, c’est que la crue est d’importance et difficile à juguler. D’où l’incompréhension et la colère des riverains.

La difficile remise en état

VNF gère les barrages, les écluses, les pentes d’eau et les passes à poissons [pour que ceux-ci puissent remonter les cours d’eau], soit 4 000 ouvrages au niveau national, sans oublier 2 500 bâtiments dont les maisons éclusières. Une trentaine de salariés de l’organisme ont d’ailleurs dû être évacués, leurs maisons ayant été inondées, notamment sur le Loing.

« La tâche va être immense, il va nous falloir remettre en état les maisons, tous nos ateliers qui sont en bord de rivière et donc sous l’eau, vérifier tous les ouvrages et matériels dès que ceux-ci seront accessibles », confie M. Papinutti. Ce travail a déjà commencé d’autant que certaines digues se sont effondrées comme sur le canal de Briare, à trente kilomètres au sud de Montargis (Loiret), où cette dernière est tombée dans le Loing.

Ailleurs, il faut contrôler tous les matériels hydrauliques, électroniques, les pompes, qui sont aujourd’hui sous l’eau. Viendra ensuite le temps des travaux de sécurisation, en particulier des berges et des nombreux chemins de halage tant prisés par les promeneurs. Ce sera après les inondations et le très lent retour à la normale.