Arnaud Mimran (à droite) à son arrivée au tribunal avec son avocat, Jean-Marc Fedida,, à Paris, le 25 mai 2016. | BERTRAND GUAY / AFP

Les amitiés du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, sont discrètes. L’une d’elles pourrait se révéler bien encombrante. Le procureur général israélien, Avichai Mandelblit, a décidé de procéder à des vérifications officielles au sujet d’allégations de l’homme d’affaires français Arnaud Mimran, jugé à Paris dans le cadre d’une escroquerie sans précédent à la TVA sur le marché des quotas d’émission de CO2, escroquerie dont le préjudice est estimé à 283 millions d’euros.

Le 25 mai, dix ans de prison ont été requis contre les trois principaux prévenus, dont Arnaud Mimran. Or celui-ci, au cours de l’audience devant la 32e chambre correctionnelle de Paris, avait affirmé, sans préciser ni la date ni les détails, qu’il avait avancé au premier ministre israélien un million d’euros pour financer une campagne électorale, une somme qui n’aurait jamais été remboursée.

Dans un communiqué publié lundi 6 juin, le bureau du premier ministre a été contraint de reconnaître une donation de 40 000 dollars effectuée en août 2001 par M. Mimran à un fonds finançant les activités publiques de M. Nétanyahou.

Dans une enquête commune du journal israélien Haaretz (centre gauche) et du site d’information français Mediapart, publiée en avril, les liens personnels et financiers entre Arnaud Mimran et la famille Nétanyahou apparaissaient clairement. L’homme d’affaires aurait hébergé l’actuel premier ministre, au début des années 2000, dans son domicile parisien. Ils auraient également partagé des vacances à Courchevel (Savoie) et dans le sud de la France. Le nom de M. Mimran apparaissait dans une liste de contributeurs étrangers, établie par M. Nétanyahou en 2002.

« Aucune donation illégale »

Le chef du gouvernement n’est donc pas en mesure de nier ses relations étroites avec Arnaud Mimran. Des photos de vacances les montrent d’ailleurs ensemble. Mais M. Nétanyahou cherche à distinguer l’époque où il était, selon ses dires, un citoyen ordinaire et celle où il a occupé des fonctions ministérielles.

La première couvre les années 1999-2002, après son premier mandat comme chef du gouvernement. C’est alors qu’il aurait reçu d’Arnaud Mimran la somme de 40 000 dollars. Les explications paraissent fragiles et contradictoires : M. Nétanyahou aurait touché l’argent comme citoyen ordinaire, mais pour des activités au service de l’Etat. Le bureau du premier ministre a expliqué lundi dans un communiqué :

« Nétanyahou n’a reçu aucune donation illégale de Mimran. Toute autre affirmation est un mensonge. Mimran a fait des donations pour l’activité publique de Nétanyahou dans les années 2000, lorsque [ce dernier] était un citoyen privé et n’avait pas de rôle politique. Cette activité comprenait des apparitions dans les médias et de nombreuses campagnes de relations publiques au service de l’Etat d’Israël, ce qui fut fait en accord avec la loi. »

« Réseau sophistiqué, secret et discipliné »

En Israël, ce n’est que depuis 2006 que les candidats doivent fournir au bureau du contrôleur général la liste de leurs contributeurs privés. La loi prévoit qu’un candidat aux législatives ne peut recevoir plus de 11 480 shekels, soit 2 640 euros. Cette somme monte à 45 800 shekels lorsque le candidat se bat pour la direction de son parti politique.

La députée de l’Union sioniste (centre gauche) Ksenia Svetlova a récemment demandé au procureur général Avichai Mandelblit de conduire des investigations au sujet des liens financiers entre Arnaud Mimran et le premier ministre. Mais le fait que le procureur général demande des vérifications sur la donation de l’homme d’affaires français ne présage en rien de l’ouverture d’une enquête judiciaire en bonne et due forme.

Dans le journal Maariv lundi, le journaliste Ben Caspit, impitoyable pourfendeur du premier ministre, auquel il a consacré une biographie, note que cette affaire met une nouvelle fois au jour la question des financements occultes de la vie politique. « Le réseau de Nétanyahou est sophistiqué, secret et discipliné, écrit-il. Au fil des ans, il y a eu plusieurs enquêtes et articles sur les méthodes et l’efficacité de ce réseau, mais personne n’a été capable de le prouver, de montrer l’argent, ses sources, ses routes et l’utilisation de ces fonds. »