Elle a beaucoup hésité avant de décider de partir. Et, finalement, mettant de côté ses peurs et les bouleversements que le changement allait fatalement entraîner, Jayne Ford a rempli son bulletin et s’est mise à son compte. En novembre 2015, cette commerçante de Leeds est sortie du réseau de fleuristes avec lequel elle avait toujours travaillé et est devenue indépendante. « Il y avait trop de règles à suivre et trop d’argent à verser : 2 500 livres [3 200 euros] par mois et 20 % de commission sur les ventes », détaille la femme de 47 ans. Depuis qu’elle a sauté le pas, « tout est mieux », s’enthousiasme-t-elle.

Le parallèle avec le débat sur l’avenir du Royaume-Uni dans l’Union européenne est évident. D’ailleurs, Jayne Ford s’apprête à faire un choix similaire et à glisser un bulletin leave (« quitter » l’Union) dans l’urne le 23 juin. « Bien sûr, on ne sait pas exactement quelles conséquences aura le “Brexit”, mais si on n’essaie pas, on ne saura jamais. »

La commerçante, qui achète ses fleurs exclusivement aux Pays-Bas, ne pense pas que son petit étal, situé à l’une des entrées du beau marché couvert de Leeds, sera affecté par le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. « Les fournisseurs ne vont pas tout à coup arrêter de nous vendre leurs produits ! Ce serait un manque à gagner pour eux », argue-t-elle, même si elle reconnaît volontiers ne pas bien savoir comment fonctionnent les traités commerciaux qui régissent les échanges entre pays.

« Je ne suis pas raciste »

Surtout, Jayne Ford voudrait que les Britanniques soient au premier rang des préoccupations politiques. S’il y a un argument qui a fait basculer la fleuriste dans le camp de la sortie, c’est bien celui rabâché par la campagne Vote Leave au sujet des millions d’euros versés chaque semaine à Bruxelles. « J’aimerais que cet argent aille au NHS [National Health Service, le système de santé publique du Royaume-Uni], aux personnes sans abri, aux personnes âgées qui ont une petite retraite », glisse-t-elle. Or, actuellement, continue-t-elle hésitante, « je crois qu’on a des obligations, en tant que membre de l’Union européenne, d’accueillir des migrants, et cela coûte de l’argent ».

Jayne Ford est très ennuyée de parler de ce sujet. « J’ai peur que ça sonne raciste, alors que je ne le suis pas du tout », dit-elle, gênée qu’on puisse l’imaginer dans le camp de Nigel Farage, le leader du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), dont elle ne partage pas les idées. Voter pour une sortie de l’Union, c’est plutôt pour elle une question de « fierté d’être britannique, qu’il faut préserver ». Lundi 20 juin, à trois jours du scrutin, elle se réserve toutefois une marge de réflexion : « Aujourd’hui, je suis à 80 % sûre de voter leave. Mais ça peut changer. »