Jo Cox, le 21 mars 2016. | PRU / AFP

Jo Cox, 41 ans, qui a été tuée, jeudi 16 juin, à Birstall (nord de l’Angleterre) n’était pas une personnalité politique connue. Mais, à une semaine du référendum sur l’Europe, ses origines sociales, son parcours, et son positionnement politique – nettement pro-européen – ont tout pour faire d’elle une icône anti-Brexit. Et si les motivations politiques de son agresseur étaient avérées, une martyre de la campagne électorale en cours.

Née en 1974 à Batley, dans le West Yorkshire, elle était fière de ses origines populaires : sa mère, Jean, était secrétaire dans une école et son père, Gordon, ouvrier dans une usine de pâte à dentifrice à Leeds. Lorsque en 2014, elle est choisie pour être la candidate du Labour dans la circonscription de Batley et Spen, elle se déclare « fière et émue » de concourir dans la circonscription même où elle était née et avait grandi.

Après son élection, en mai 2015, elle raconte au quotidien local Yorkshire Post le choc qu’elle a éprouvé en s’élevant dans l’échelle sociale, notamment lors de ses études à Cambridge, université dont elle est sortie diplômée en 1995, la première de sa famille dans ce cas. « Je ne suis pas née femme politique ou travailliste, expliquait-elle. Cela m’est venu à Cambridge, quand j’ai réalisé que l’endroit où vous êtes né a de l’importance, que la manière dont vous parlez a de l’importance, de même que vos relations. Je passais mes étés à emballer des tubes de dentifrice à l’usine où mon père avait travaillé, quand tous les autres étudiants prenaient une année sabbatique. J’ai mis cinq ans à me remettre de mon expérience à Cambridge. »

Pauvreté, discrimination et protection de l’enfance

A partir de 2002, Jo Cox travaille pour des organisations non gouvernementales dans le monde entier sur les questions de pauvreté et de discrimination. Pour Oxfam, elle participe à plusieurs campagnes notamment sur la mortalité infantile. Puis elle devient consultante pour Save the children, et le NSPCC, une organisation dédiée à la protection de l’enfance en danger. « Je me suis trouvée devant des situations horribles, comme devant des femmes violées à maintes reprises au Darfour, ou devant des enfants soldats ougandais à qui on avait donné une Kalachnikov pour qu’ils tuent des membres de leur propre famille. » Jo Fox avait également travaillé aux Nations unies à Bruxelles et New York. Elle avait été conseillère de Sarah Brown, l’épouse de l’ancien premier ministre.

Elue à Westminster, elle prend la vice-présidence du groupe parlementaire sur la Syrie qu’elle crée, ainsi que la présidence du réseau des femmes travaillistes. Elle conseille aussi le Freedom Fund, une organisation luttant contre l’esclavage. Elle s’élève contre les projets de David Cameron de supprimer certaines prestations sociales. Mais son expérience internationale l’amène aussi à faire partie des cinq députés du Labour qui, contre la ligne de leur parti, s’abstiennent en décembre 2015 lors du vote sur les frappes aériennes contre l’organisation Etat islamique (EI) en Syrie. Pressentant alors un vote positif, elle dit espérer que le gouvernement « prenne de sérieuses mesures pour réorganiser la stratégie de protection des civils en Syrie. C’est seulement en protégeant les civils que nous vaincrons l’EI. »

Alors qu’elle n’est pas liée à la gauche du parti, elle accorde son parrainage à Jeremy Corbyn pour qu’il puisse se présenter à l’élection du leader du Labour en septembre 2015. Mais elle vote pour Liz Kendall, la candidate blairiste. Après les résultats mitigés du Labour aux élections locales de mai 2016, elle critique Jeremy Corbyn, sans mâcher ses mots : « Je crois que Jeremy doit reconnaître lui-même qu’il n’est pas assez bon », déclare-t-elle, en réclamant « un véritable leader » pour le parti. Adepte du consensus, elle estime que conservateurs et travaillistes devraient œuvrer ensemble sur certains sujets comme la politique internationale, la santé ou la lutte contre le changement climatique.

« L’immigration n’est pas une bonne raison pour quitter l’UE »

Jo Cox, jeune femme souriante et élégante, vivait avec son mari Brendan et leurs jeunes enfants Lejla et Cuillin sur une péniche amarrée sur la Tamise près de Tower Bridge, à Londres. Elle se rendait à Westminster à vélo. Alors que Jeremy Corbyn est critiqué pour son faible engagement dans la campagne référendaire pour le vote « in » (rester dans l’UE), la députée du West Yorkshire était très impliquée dans la bataille pour rester dans l’Europe. « L’immigration est une préoccupation légitime, mais ce n’est pas une bonne raison pour quitter l’UE », assurait l’un de ses derniers tweets posté au moment même où des électeurs du Labour sont tentés par le vote « out » qui, pensent-ils, permettra de stopper l’immigration est européenne.

Mercredi, la veille de sa mort, elle avait pris place avec son mari et ses enfants sur un zodiac rouge, brandissant un drapeau « in » au milieu de la flottille de marins pêcheurs qui manifestaient en faveur du Brexit. Cette image si emblématique d’un engagement pourrait symboliser le tournant de la campagne pour le référendum du 23 juin.