« J’ai une passion pour les bagues, j’ignore d’où cela me vient, mais j’ai toujours aimé m’en offrir. Sans juger sur l’apparence, j’ai le sentiment qu’une bague détermine celle qui la porte. C’est le cas pour moi, avec celle-ci particulièrement. Elle m’aide à me définir, aux yeux des autres et des miens.

Le camée de Sandrine Kiberlain. | Sandrine Kiberlain

J’ai l’impression de ne pas être finie lorsque je ne la porte pas. Elle fait partie de ma personnalité. Le fait qu’elle soit ronde, transparente et opaque à la fois me ressemble. Je ne sais pas qui est représentée sur cette pierre, mais cette figure m’évoque une histoire mystérieuse. Je l’ai achetée, il y a une quinzaine d’années, chez un antiquaire. La monture est en or, le profil taillé dans une agate. J’aime les nuances nées de la taille, qui est le propre des camées. La couleur, pâle, entre beige et taupe, change selon la lumière et l’endroit où je me trouve. Elle n’est jamais la même. Comme moi. Comme tout le monde.

J’aime les pierres dont la couleur est marquée par le temps. On devine que cette bague est ancienne, elle date, je crois, du XIXe siècle. Lorsque je la retire pour tourner et interpréter quelqu’un d’autre, j’ai hâte de la glisser à nouveau à mon doigt pour redevenir qui je suis. La netteté du profil m’évoque les premiers spectacles de marionnettes, ces portraits accrochés sur un bout de bois que l’on faisait parler. Il est pur, immuable comme un croquis rapide et précis. Je suis obsédée par les visages, les profils. C’est pourquoi j’aime la façon dont les gens sont éclairés dans les films, particulièrement dans ceux de Truffaut ou d’Hitchcock. Dans ces gros plans qui montrent les expressions du visage, chaque trait raconte quelque chose. Adolescente, je ne m’occupais que de mon visage, le corps est venu plus tard. Et je tiens beaucoup à mon profil que l’on dit original. L’originalité, c’est la liberté et il faut essayer de la conserver. »

A voir
« Bonne figure » (13 min.), de Sandrine Kiberlain, avec Chiara Mastroianni.