Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, le 2 juin, à Vienne. | LEONHARD FOEGER / REUTERS

Même quand il n’a rien promis, les marchés espèrent toujours qu’il leur offre quelque chose. Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), s’est une fois de plus livré à un délicat exercice d’équilibriste, jeudi 2 juin, à l’issue de la réunion de l’institution. Aucune décision majeure n’a été prise, si ce n’est l’annonce du début du rachat des dettes privées, fixé au 8 juin.

Pour le reste, le défi de l’Italien était de ne tenir aucune parole susceptible d’angoisser les investisseurs, prompts à paniquer à la seule idée de voir le robinet monétaire se tarir. Défi relevé : en quelques mots, « il Dottore » Draghi a réussi à gagner du temps, et ce, sur trois sujets clés.

Aveu d’échec

L’inflation, d’abord. En dépit de la remontée des cours du pétrole, l’institution n’a que modérément revu à la hausse ses prévisions en la matière. Selon elle, les prix devraient grimper de 0,2 % en 2016 dans la zone euro, contre 0,1 % estimé précédemment. Pour 2017 (1,3 %) et 2018 (1,6 %), ses prévisions restent inchangées. L’inflation n’est donc pas près d’atteindre la cible de 2 % que s’est fixée la BCE. Les sceptiques y voient un aveu d’échec.

Les autres, à commencer par les banquiers centraux européens, rappellent que, hors pétrole, l’inflation ne rebondira vraiment que lorsque les salaires se ressaisiront enfin en zone euro. Ce qui n’est pas du ressort de la BCE. En attendant, celle-ci fait tout ce qu’elle peut pour soutenir les autres composantes de l’indice des prix.

Mario Draghi, enfin, a souhaité que le Royaume-Uni reste au sein de l’Union européenne

Mario Draghi a également temporisé sur la Grèce. Contrairement à ce qu’espérait Athènes, il n’a pas rouvert le robinet de des financements à bas coût de la BCE aux banques hellènes. Depuis février 2015, la BCE refuse en effet d’accepter les emprunts d’Etat grecs, qu’elle considère de mauvaise qualité, comme garantie en échange de prêt de liquidités aux banques. Elle ne les reprendra que si la Grèce met vraiment en œuvre les réformes préalables exigées par les créanciers. D’ici là, les banques du pays bénéficient néanmoins d’un deuxième robinet à liquidités d’urgence auprès de la banque centrale (les « ELA »). Mais il leur coûte plus cher…

Mario Draghi, enfin, a souhaité que le Royaume-Uni reste au sein de l’Union européenne. Mais il a aussi déclaré que son institution est parée en cas de « Brexit ». De quoi rassurer les marchés ? A court terme seulement. Car ces prochaines semaines, le sujet sera au cœur des préoccupations de la planète économique. La Banque d’Angleterre prépare déjà des mesures dans le cas où elle devrait fournir des liquidités supplémentaires aux banques. Si la panique financière se répandait, la BCE en ferait probablement de même.

De son côté, Janet Yellen, la présidente de la Réserve fédérale, est dans l’expectative. En théorie, son objectif est de poursuivre la remontée des taux directeurs américains. Mais la prochaine réunion de la Fed aura lieu les 14 et 15 juin, juste avant le référendum britannique du 23 juin. Prendra-t-elle le risque de semer le trouble sur les marchés avant un événement politique aussi majeur ? Probablement pas. Comme son homologue européen, Mme Yellen est en effet convaincue d’une chose : en matière monétaire, la prudence est mère de sûreté…