A son arrivée à l’aéroport de Kampala, une des trois étapes de sa tournée africaine du 25 au 31 mai, la présidente Park Geun-hye n’a eu d’yeux que pour les agents des services nord-coréens présents en masse en Ouganda. Le pays est l’un des rares alliés de la Corée du nord qui assure depuis 2007 des programmes de formation de la police et de l’armée. Un rapport de l’ONU affirme que des militaires nord-coréens ont été vus portant des uniformes de l’armée de l’air ougandaise et les importations d’armes nord-coréennes se poursuivaient encore récemment en dépit des sanctions de l’ONU.

Réélu en février pour un cinquième mandat, Yoweri Museveni s’est déjà rendu trois fois en Corée du Nord et, lors de son dernier séjour en 2013, il a surpris ses hôtes en s’exprimant en coréen.

La mission n’était donc pas gagnée d’avance, d’autant que la Corée du Nord bataille dure pour trouver des débouchés à ses armes et remplir ses caisses vides de devises étrangères. Park Geun-hye a pourtant su trouver les arguments : elle a signé dix accords de coopération avec Kampala et vendu pour 350 000 dollars de matériel militaire.

Des promesses

L’Ouganda a promis de mettre un terme à sa coopération militaire et policière avec la Corée du Nord et de respecter ainsi les sanctions internationales contre Pyongyang et son programme nucléaire. Mais ce ne sont que des promesses. « Aucun pays ne peut décider de nos alliances. Nous sommes indépendants », avait lancé juste avant cette visite Ofwono Opondo, un porte-parole du gouvernement ougandais.

L’Ouganda, l’Angola, la République du Congo, l’Ethiopie, la Tanzanie, l’Erythrée, la Guinée équatoriale, le Yémen, l’Iran mais aussi la Syrie – ou des militaires nord-coréens seraient engagés aux côtés des troupes de Bachar Al-Assad –, sont des alliés traditionnels et plus ou moins fidèles de Pyongyang. Ce sont surtout de bons clients des armes et des missiles nord-coréens.

L’Afrique est, après le Moyen-Orient, le principal marché d’exportation pour les armes de Pyongyang. « L’engagement sud-coréen en Afrique est dominé par trois aspects : la sécurisation de ses importations en pétrole et en nourriture ; l’ouverture de nouveaux marchés pour ses produits manufacturés ; et contrecarrer l’influence nord-coréenne sur le continent », résumait en 2014, le chercheur Vincent Darracq.

Séoul c’est d’abord un modèle de développement. Au moment de l’indépendance du Ghana en 1957, le revenu moyen par habitant était de 500 dollars, soit autant qu’en Corée du Sud. Aujourd’hui, le petit dragon sud-coréen affiche un revenu par tête de près de 30 000 dollars, soit vingt fois plus que le Ghana. Pourtant, Séoul n’a ni or, ni cacao. Aucune matière première, peu de terres cultivables et une situation politique plus que délicate avec son voisin du Nord.

Le miracle sud-coréen

La Corée du Sud est le seul Etat au monde à être passé du statut de pays bénéficiaire de l’aide internationale au milieu du siècle dernier à celui de donateur en 2009. Il est aujourd’hui l’un des plus importants contributeurs de l’aide publique au développement. Le miracle sud-coréen devrait donc inspirer l’Afrique.

« Comme l’Afrique, la Corée du Sud a traversé des moments difficiles, a expliqué devant les ambassadeurs africains réunis à Séoul fin mai le ministre des affaires étrangères, Yun Byung- se. Mais nous avons su surmonter nos difficultés et nous saurons être un partenaire essentiel de l’Afrique. »

« L’Afrique est le dernier moteur de croissance à l’échelle mondiale. Au regard de l’amélioration de la stabilité politique, de la forte croissance économique et de l’augmentation attendue des ménages appartenant à la classe moyenne, de nombreux pays tentent de tirer profit du potentiel de ce continent », explique Kim Kyou-hyun, secrétaire principal en charge des Affaires étrangères à la présidence sud-coréenne.

« Depuis 2011, la Corée du Sud s’engage en effet dans une politique de coopération active avec l’Afrique, notent Philippe de Pontet et James Clifton Francis de l’Eurasia Group. Le modèle sud-coréen est beaucoup moins agressif que celui de la Chine. Au Ghana, KNOC (Korea National Oil Corporation) a financé l’équivalent de 20 milliards de dollars de projets immobiliers d’habitation en échange de concessions pétrolières. »

Un nouveau programme d’aide au développement baptisé Korea Aid sera lancé dans les trois pays figurant dans le programme de cette tournée africaine.

« Le mastodonte chinois »

Les investissements coréens sont portés par des organismes publics comme la Korea International Cooperation Agency qui finance des projets agricoles dans vingt et un pays du continent ou encore la société pétrolière SK Group qui compte des intérêts dans six pays ainsi que par des groupes privés comme Daewoo et surtout Samsung.

Samsung a ainsi triplé ses ventes sur le continent en moins de deux ans. Son programme Built for Africa a permis de proposer des produits adaptés aux consommateurs locaux et reprendre des parts de marché à ses concurrents chinois comme Huawei. L’entreprise envisage maintenant de fabriquer en Afrique, notamment ses réfrigérateurs et machines à laver et d’étendre à sa présence à trente-deux pays dont le Gabon et le Cameroun.

« En Afrique, la politique sud-coréenne pourrait se résumer à Samsung, conclut Gérald Arboit, spécialiste du renseignement. Ne perdons pas de vue que le grand acteur asiatique reste la Chine. Parler de la Corée du Sud, c’est évoquer les miettes que laisse le mastodonte chinois. La Corée du Sud table sur les classes moyennes et leur attrait pour les nouvelles technologies. De ce point de vue, elle table sur la décroissance du modèle chinois en Afrique. »

Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le siteChinafrica. info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.