Le premier ministre, Manuel Valls, Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture et Phil Hogan, commissaire européen à l’agriculture, à Matignon en février. | THOMAS SAMSON / AFP

Le prix du lait est toujours aussi bas, entraîné par la surproduction européenne. Les éleveurs français s’enlisent dans les difficultés financières. Leurs espoirs se tournent maintenant vers le Parlement européen. La crise laitière est en effet au menu des députés des 28, mercredi 25 mai à Bruxelles.

Pourtant, les représentants syndicaux français n’auront pas la parole. Ce que regrette Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), filiale du syndicat FNSEA. « Seuls les représentants européens des syndicats et des organisations professionnelles auront le droit de s’exprimer », explique-t-il.

C’est donc le Copa-Cogeca qui parlera pour les membres de la FNPL. Or, selon M. Roquefeuil, ce syndicat qui regroupe les éleveurs et les représentants des grandes coopératives, n’est guère enclin à limiter la production. Il a donc décidé d’envoyer une lettre au président du Parlement européen et au président de la Commission pour faire entendre le son de cloche des éleveurs français.

Mesures de limitation

Dans ce courrier, il « plaide pour une vraie politique laitière européenne ». « La seule loi des marchés n’est pas une solution acceptable dans une Europe contestée et malmenée. Pour le secteur laitier : le libéralisme ne marche pas », affirme-t-il. Il rappelle le temps de réaction particulièrement long à ses yeux du commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, qui a mis dix-huit mois avant de reconnaître la crise qui secoue l’élevage laitier dans plusieurs pays européens.

Finalement, la Commission a accepté le 14 mars, sur proposition française, de mettre en place des mesures de limitation de la production laitière européenne. Et en particulier d’activer le fameux article « 222 ». Un outil de régulation prévu par la réforme de la Politique agricole commune (PAC) de 2013. Ce texte introduit une dérogation du droit européen de la concurrence et permet à des associations de professionnels de décider, volontairement, de réduire la production. Un pas de côté par rapport au dogme libéral prôné par Bruxelles, mais limité à six mois.

La France ne pouvait ensuite que donner l’exemple et l’interprofession laitière a accepté, début avril, de renoncer à son objectif de croissance annuelle de 2 % jusqu’en 2020 et s’est engagée à une stabilisation en 2016. Mais pour les industriels, cet accord n’est valable que si les autres Etats européens suivent la même voie.

« Ils sont dans la nasse »

Depuis deux conseils des ministres de l’agriculture se sont déroulés sans que des mesures de soutien ne viennent donner une dynamique à l’activation de l’article 222. « Manifestement, l’ouverture politique de la Commission européenne concernant la mise en œuvre de l’article 222, n’était qu’une vue de l’esprit », écrit M. Roquefeuil. Il poursuit : « dans un contexte où il n’y a toujours pas de perspectives d’amélioration des marchés ni de mise en place de mesures efficaces pour juguler la crise laitière, la Commission attend donc que la régulation se fasse d’elle-même par la mort des producteurs ». « Ils sont dans la nasse », commente-t-il.

Les éleveurs français espèrent obtenir le soutien du Parlement pour donner plus de poids à leur revendication, afin que le sujet soit à nouveau débattu lors du prochain conseil des ministres de l’agriculture des 28 en juin. Et que la Commission apporte une aide financière pour donner un signal fort à l’activation de l’article 222 et accompagner ceux qui souhaitent stabiliser le débit de lait.

Sachant que les pays nordiques et l’Irlande, qui ont ouvert les vannes après la fin des quotas laitiers décrétée le 31 mars 2015, ne sont guère enclins à limiter le flux. Et que les grands industriels ne voient pas d’un mauvais œil la restructuration de l’élevage laitier. D’autant que l’Europe, qui a décidé de continuer à financer l’intervention sur le marché laitier, c’est-à-dire l’achat à un prix donné des produits laitiers en surplus, aide indirectement les entreprises qui encouragent les éleveurs à produire plus.