La Réserve fédérale (Fed) montera-t-elle, ou non, ses taux directeurs en juin ? Il y a quelques jours encore, la quasi-totalité des investisseurs pariaient que non. Jeudi 19 mai, au lendemain de la publication des « minutes » (le compte rendu) de la réunion du 26 et 27 avril de l’institution, ils nagent en plein doute.

Et pour cause : « La plupart des participants jugent que si les données économiques à venir correspondent à un rebond de la croissance au deuxième trimestre et à un progrès de l’inflation vers l’objectif de 2 %, il sera probablement approprié d’augmenter les taux (…) en juin », peut-on lire dans le document. Les banquiers centraux américains paraissent ainsi plus « faucons » que ne le pensaient les marchés, c’est-à-dire relativement pressés de relever les taux directeurs, qui évoluent entre 0,25 % et 0,50 % depuis décembre 2015.

Depuis, le sujet tient la planète finance en haleine. Après huit ans de taux zéro, l’institution avait en effet décidé, en décembre, de commencer à resserrer sa politique monétaire, en relevant ses taux d’un quart de point. Proche du plein-emploi, l’économie américaine lui semblait en effet en mesure de se passer de la béquille monétaire.

Ralentissement des pays émergents

Mais depuis, Janet Yellen, la présidente de la Fed, redouble de prudence, hésitant à poursuivre le resserrement de sa politique. D’abord, parce qu’en dépit du faible taux de chômage, l’inflation et les salaires peinent à redémarrer. Ensuite, parce que la hausse du dollar enregistrée tout au long de 2015 a fragilisé les exportateurs du pays. Mais surtout, parce que l’institution redoute que le ralentissement économique des pays émergents affecte la reprise américaine…

Les « minutes » publiées mercredi 18 mai révèlent néanmoins que les membres de la Fed restent convaincus de la nécessité de poursuivre la remontée des taux sans tarder. Lorsqu’ils restent trop bas, pendant trop longtemps, ces derniers peuvent en effet contribuer à la formation de bulles spéculatives. En outre, le États-Unis ont renoué avec la croissance depuis sept ans. La Fed a donc besoin de se reconstituer des marges de manœuvre dans le cas où le cycle économique donnerait des signes de faiblesse…

Alors, agira-t-elle en juin, ou non ? « Le calendrier reste compliqué, car elle devra trancher le 14 et 15 juin, juste avant le référendum britannique sur la sortie de l’Union européenne », estime Thomas Julien, spécialiste des États-Unis chez Natixis, à New York. Il n’est pas certain que la Fed prendra le risque d’ajouter du trouble sur les marchés dans un tel contexte - d’autant que des élections législatives à haut risque se tiendront également en Espagne à la fin du mois.

« Nous estimons qu’il y a moins de 50 % de chance que l’institution tire en juin, juge Steve Murphy, chez Capital Economics, dans une note sur le sujet. Il nous semble plus probable qu’elle remontera ses taux en septembre puis en décembre, jusqu’à la fourchette de 0,75 % à 1 % ».