Les frères Jean-Pierre (à gauche) et Luc Dardenne, avec l’actrice Adèle Haenel pour la projection du film « La Fille inconnue » au 69e Festival de Cannes, le 18 mai 2016. | VALERY HACHE/AFP

  • C’EST ATTENDU :

Mardi 17 mai restera le jour où la Croisette s’est transformée en Aquaboulevard : Aquarius, L’Effet aquatique et Julieta ont ému aux larmes les festivaliers, hier. L’eau pourrait ruisseler de nouveau sur les joues avec l’arrivée en compétition, en ce mercredi 18, des frères Jean-Pierre et Luc Dardenne, déjà lauréats de deux Palmes d’or pour Rosetta (1999) et L’Enfant (2005) : leur nouveau film, La Fille inconnue, avec Adèle Haenel dans le rôle-titre, s’annonce comme un polar mélodramatique.

Registre voisin pour un autre habitué de la Croisette, Brillante Mendoza, qui monte les marches de la compétition avec Ma’Rosa. Présenté en séance de presse, mardi 17 au soir, le film du cinéaste philippin a laissé « une impression mitigée » à Mathieu Macheret. « Ce quatorzième long-métrage en onze ans de carrière marque le retour de Brillante Mendoza en compétition, sept ans après l’éprouvant Kinatay (2009). Sa méthode, elle, n’a pas changé : il s’agit toujours d’arracher la fiction à une réalité brute, de filmer celle-ci selon les armes du documentaire. La caméra, portée à bout de bras, emboîte le pas de ses personnages, les poursuit, toujours en retard sur eux, comme si ses mouvements répondaient moins à un scénario qu’à l’impulsion naturelle des acteurs. » Mais il ajoute : « Difficile d’ignorer, cependant, que ce filmage au poing se pense bien souvent comme un coup de force, une forme de chantage au réel. Car sous son habillage brut, Ma’Rosa ne cache, en dernier recours, rien d’autre qu’un mélodrame social rebattu, avec sa mère courage, son père éteint, ses enfants brisés, ses engrenages fatals et ses filles perdues. Il serait temps que Mendoza s’essaye à autre chose, avant de s’empêtrer dans une recette qui commence à sentir le réchauffé. »

  • C’EST CRITIQUÉ :

Retour en arrière sur deux des trois longs-métrages projetés en compétition mardi 17 mai sur la Croisette. Pour Thomas Sotinel, Julieta de Pedro Almodovar, qui sort dans les salles françaises aujourd’hui, « se pare des atours du thriller psychologique, puis du mélodrame ». Le cinéaste espagnol, qui s’est « inspiré de nouvelles de l’auteure ­canadienne Alice Munro », « fait un beau film d’une tristesse très pure » sur l’« alliage entre la banalité de la douleur et les formes fantastiques que peut lui donner le cinéma ». Le rôle de Julieta est interprété à deux époques de sa vie par deux actrices différentes, avec une réussite inégale : « Julieta prend les traits d’Adriana Ugarte, jeune actrice, qui, comme Emma Suarez, joue pour la première fois sous la direction d’Almodovar. Si son aînée impose très vite une incurable mélancolie, la jeune Julieta n’emporte pas la conviction du spectateur. On lui accordera comme circonstance atténuante qu’il faut un registre hors du commun pour faire face à tous les cataclysmes que le scénario place sur son chemin. »

Quant à Isabelle Regnier, elle a été conquise par Aquarius : le film du Brésilien Kleber Mendonça Filho est même à ce jour « le plus beau de tous ceux qu’on a vus ». Selon elle, « la mémoire et la transmission sont les grandes questions de ce film qui prend acte, à travers le drame de son héroïne, Clara, de l’anéantissement de cette classe moyenne ­culturellement éclairée à laquelle elle appartient, sans jamais verser dans la nostalgie. (…) A travers la gradation des actions, de plus en plus baroques, de plus en plus perverses, que le promoteur entreprend pour déloger la résistante, Aquarius offre une image surréaliste de la violence aveugle que peut produire un système capitaliste en roue libre. »

A découvrir du côté de la programmation de l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (ACID) : Le Parc, du Français Damien Manivel, un « diamant qui scintille dans la nuit cannoise » pour Isabelle Regnier. « Un petit film réalisé avec trois fois rien, qui possède le charme artisanal du cinéma des origines, et brille des feux colorés que peut aujourd’hui produire la technologie numérique. »

  • C’EST DIT :

« Je lui ai fait confiance dès l’instant où je l’ai regardée pour la première fois dans les yeux. Mais, elle, je crois, n’a jamais su à quel point elle m’a fait me sentir une gagnante », déclare l’actrice islandaise Didda Jonsdottir à propos de sa collaboration avec la réalisatrice Solveig Anspach, morte en août 2015. Laurent Carpentier a rencontré plusieurs proches collaborateurs de la défunte, dont le film posthume, L’Effet aquatique, « testament joyeux, plein de larmes et, paradoxalement, de vie », a bouleversé le public de la Quinzaine des réalisateurs, mardi.

« Rien ne me faisait peur dans l’histoire, sauf le volume de dialogues. Les Bruits de Recife (qu’elle a découvert après avoir été sollicitée pour Aquarius) était un film presque sans parole, celui-ci en est plein. Après ne pas avoir travaillé pendant aussi longtemps, je me suis demandé comment je m’en sortirais », explique à Thomas Sotinel la Brésilienne Sonia Braga, qui incarne Clara dans Aquarius, de Kleber Mendonça Filho. La comédienne ajoute : « Je suis de ces actrices qui proposent toujours d’enlever une réplique. Là, je me suis aperçue que chacune d’entre elles était indispensable. »

« Je n’étais peut-être pas prête pour tourner avec Pedro », a confié l’actrice madrilène Emma Suarez lors d’une rencontre avec Thomas Sotinel. L’Espagnole figure, aux côtés de Sonia Braga, parmi les favorites pour décrocher le prix d’interprétation féminine.

  • C’EST CHRONIQUÉ :

« Bienvenue au Panama » : c’est le message adressé par Gabriel, conseiller culturel de ce paradis fiscal, aux visiteurs de son stand, dans le « Village international » du Festival de Cannes. Dans sa chronique quotidienne, Red Carpet, Florence Aubenas raconte comment le petit pays espère surfer sur l’affaire des « Panama papers » : « C’est notre chance. (…) Nous sommes une très petite île, et tout le monde se précipite sur notre stand pour en savoir plus. » Et pour ce qui est du tournage de films : « Nos exigences sont les plus faibles du marché : une île louée pour 3 000 dollars la semaine, pas d’obligation d’employer du personnel local, 15 % d’abattement sur un tournage, ouverture d’un compte possible. »

  • C’EST VU :
  • C’EST EN BOÎTE :

"Pedro Almodovar a besoin d'un cadre où la passion est présente"
Durée : 04:26

" Julieta " : faut-il aller voir le dernier Almodovar ?
Durée : 03:52

  • C’EST TWEETÉ :
Lire La gazette de la Croisette #7  : Femmes, femmes, femmes