La campagne de Médecins du monde a débuté le 13 juin 2016 sur Internet. | Capture d'écran

Faute d’avoir eu accès aux panneaux publicitaires de JCDecaux, MediaTransports et de l’Insert, Médecins du monde a lancé sa campagne de communication consacrée au prix « révoltant » des médicaments, lundi 13 juin, sur Internet seulement. La méthode a un succès inespéré : en vingt-quatre heures, près de 28 000 personnes ont signé sa pétition pour « faire baisser les prix des médicaments ».

L’association n’en est pas à son coup d’essai. « Depuis 2014 », précise Françoise Sivignon, présidente de Médecins du monde, l’association dénonce le sort du sofosbuvir, premier antiviral à action directe efficace contre l’hépatite C, délivré moyennant « près de 41 000 euros ». « Et dont le prix ne cesse d’augmenter », déplore Mme Sivignon, en chiffrant à plus de 200 000 malades le nombre de personnes qui en « auraient besoin » contre 30 000 sous traitement.

Le médicament ne coûterait que 100 euros à produire, selon une étude du chercheur Andrew Hill (université de Liverpool) citée par Médecins du monde. L’association a demandé la suspension du brevet et sa fabrication sous générique pour en réduire le prix. En vain.

« Ces prix exorbitants mettent en péril notre système de santé solidaire. L’Etat a failli dans sa mission de régulation », déplore Mme Sivignon. Après la Ligue contre le cancer en avril, et l’appel de 110 cancérologues contre le coût des traitements lancé mi-mars dans les colonnes du Figaro, l’association veut « relancer le débat public » sur la fixation des prix des médicaments.

« Propos outranciers »

Au printemps, Médecins du monde décide d’une campagne de communication. Son agence de publicité DDB conçoit douze affichages au slogan choc : « 2,4 milliards d’euros, c’est ce que rapporte le cancer », « 4 milliards d’euros, le chiffre d’affaires du mélanome » et « 20 000 %, c’est en moyenne la marge brute d’une leucémie ». Mais, début juin, l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) tire le signal d’alarme.

Chargée de s’assurer de la sincérité d’une publicité avant sa diffusion, l’ARPP invite Médecins du monde à préciser les « études venant à l’appui de ces allégations », indique-t-elle par communiqué le 13 juin. Son avis, négatif, n’a qu’une valeur consultative. Mais il est suivi par les réseaux d’affichage. « L’ARPP a fait part des risques de réactions négatives des firmes pharmaceutiques », s’étrangle Mme Sivignon.

Lundi 13 juin, Médecins du monde passe outre et met tout en ligne. Depuis, les réseaux sociaux s’enflamment pour dénoncer « la censure des lobbys de la pharmacie » et applaudir le « courage de Médecins du monde ». Au grand dam des industriels du secteur de la pharmacie ; leur syndicat professionnel, le Leem, a tenté lundi de désamorcer la polémique. L’organisation qui défend les intérêts de Sanofi, GSK et autres laboratoires pharmaceutiques souligne les « propos outranciers et caricaturaux tenus par Médecins du monde ». Le prix des médicaments est fixé par le Comité économique des produits de santé à « l’issue de négociations avec les industriels », rappelle-t-il. L’argument est battu en brèche par Médecins du monde. « Le système manque de transparence : ce comité ne comprend ni des professionnels de santé ni des usagers », rappelle sa présidente.