Manuel Valls à l’Assemblée le 8 juin. | JACQUES DEMARTHON / AFP

Le Sénat à majorité de droite entame lundi 13 juin l’examen du projet de loi travail auquel il entend donner un coup de barre libéral, à la veille d’une manifestation nationale contre le texte à Paris que la CGT promet « énorme ».

Les sénateurs examineront jusqu’au 24 juin le projet de loi que le gouvernement avait fait adopter à l’Assemblée nationale via le 49-3. Au Sénat, où cette arme constitutionnelle ne peut pas être brandie, un vote solennel est programmé le 28 juin.

Le texte fera ensuite l’objet d’une commission mixte paritaire Assemblée/Sénat chargée de trouver un accord. En cas d’échec, attendu, c’est l’Assemblée nationale qui aura, in fine, le dernier mot. Le premier ministre Manuel Valls pourrait bien être tenté d’y utiliser à nouveau le 49-3.

Le Sénat va maintenir le principe contesté d’inversion de la hiérarchie des normes, avec primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche (article 2). Cette disposition qui divise tant la gauche a provoqué la colère de la CGT et est devenue le catalyseur des grèves et manifestations qui secouent la France depuis plus de trois mois.

A ceux qui « spéculent » sur l’essoufflement, « nous allons faire la démonstration » d’une mobilisation « comme nous n’en avons jamais connu » depuis février, prévient le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.

La droite veut « faire sauter le verrou des 35 heures »

Pourtant, la droite entend aller encore plus loin et « faire sauter le verrou des 35 heures ». « Ce que l’on veut, c’est que les salariés et les employeurs aient la faculté de se mettre d’accord ensemble sur le niveau de temps de travail dans la semaine, à la carte, en apportant des garanties pour que les salariés n’y perdent pas », résume le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne (Les Républicains), co-rapporteur du texte.

« La droite sénatoriale sacrifie le droit du travail », accuse le patron des sénateurs PS, Didier Guillaume. « Le texte porte désormais atteinte aux droits des salariés », affirme-t-il en citant la fin des 35 heures, le travail des apprentis à 14 ans jusqu’à 10 heures par jour et « la précarisation de l’emploi » par abaissement de la durée minimale de 24 heures par semaine du temps partiel. Le PS votera contre le texte.

Valls dénonce une réécriture « ultra-libérale »

En plein Euro de football, l’exécutif mise sur les débats au Sénat pour faire baisser la tension à gauche, voire resserrer les rangs. Manuel Valls dénonce ainsi une réécriture « ultra-libérale » du texte dans une « surenchère » droitière à dix mois de l’élection présidentielle.

« Nous voulons aboutir à une réforme audacieuse et équilibrée et réconcilier les intérêts des uns et des autres pour que les entreprises aillent mieux et que le chômage puisse baisser tout en assurant la protection des salariés », lui répond le président du groupe LR, Bruno Retailleau.

Farouches opposants au texte, les sénateurs communistes, dont le numéro un du PCF Pierre Laurent, ont déposé 402 amendements sur un total de 985. Ils veulent obtenir le rejet du texte en arguant « la violation flagrante des dispositions du préambule de 1946 favorables aux travailleurs, principes et partie intégrants de la Constitution ».

Le groupe « dénonce aussi la manœuvre gouvernementale qui, utilisant les propositions provocatrices d’une droite revancharde en pleine primaire, tente désespérément de se prévaloir du progrès social ».