Comment le terroriste Larossi Abballa, qui a tué lundi 13 juin un policier et sa femme à leur domicile à Magnanville, a-t-il réussi à communiquer et à revendiquer instantanément ses actes ? Par un canal de communication vidéo accessible de son téléphone : un profil Facebook.

Selon les premières constatations du journaliste David Thomson, qui ont été confirmées mardi 14 juin par le procureur de la République François Mollins, Larossi Abballa a utilisé l’application Facebook Live pour diffuser une vidéo de douze minutes à partir de 20 h 52 lundi soir, soit à peu près le moment où le policier succombait à ses blessures devant son domicile. Comme le montre une capture d’écran effectuée par David Thomson, cette vidéo a été postée sur un profil Facebook au nom de « Mohamed Ali ».

Un « long message de revendication »

Derrière Facebook Live se trouve une nouvelle fonctionnalité du réseau social le plus utilisé par des Français, disponible en France depuis la fin de janvier. Elle permet à tous les utilisateurs de Facebook sur mobile de diffuser en direct sur leur profil des vidéos filmées avec leur smartphone (soit ce que propose aussi, par exemple, Periscope).

L’utilisation de Facebook Live a rendu impossible une médiation par une tierce personne qui aurait pu recevoir cette vidéo et la poster après coup sur le compte Facebook au nom de « Mohamed Ali ». En effet, l’architecture de Facebook Live ne permet pas aux utilisateurs lambdas de Facebook de diffuser en direct des images qui ne sont pas directement filmées avec leur smartphone. Pour Larossi Abballa, la vidéo Facebook Live était une manière de donner une visibilité directe et immédiate à ses actions aux personnes qui étaient en contact avec le profil Facebook « Mohamed Ali ».

C’est dans cette vidéo en direct que Larossi Abballa « a posté un long message de revendication », selon David Thomson, qui a décrit sur son compte Twitter certaines scènes d’horreur contenues dans les treize minutes de direct : « L’auteur de l’attentat appelle à tuer les policiers, les gardiens de prison, les journalistes, les rappeurs et il cite de nombreux noms. (...) “On a répondu favorablement à cheikh Adnani”, “ l’Euro sera un cimetière”, dit-il notamment dans la video. (...) Le bébé est derrière lui, sur le canapé. Après avoir tué ses parents il dit : “je ne sais pas encore ce que je vais faire avec lui.” » L’enfant de 3 ans et demi s’en sortira finalement indemne, mais en état de « sidération ».

Une fois la vidéo en direct terminée, elle s’est toutefois transformée en vidéo classique, restant accessible sur le profil de l’utilisateur Facebook « Mohamed Ali », ce qui a permis au journaliste David Thomson d’en retrouver la trace.

Ce compte Facebook au nom de « Mohamed Ali » a été rendu inaccessible mardi 14 juin en début de matinée, sans qu’on sache si Facebook ou d’autres personnes ont pu supprimer ce profil. Contactées mardi, les équipes du réseau social n’ont pour le moment pas répondu aux sollicitations du Monde à ce sujet.

Dans les médias et dans les espaces de conversation en ligne (comme JV.com), un autre profil Facebook, au nom cette fois de Larossi Abballa, était par ailleurs cité dès lundi soir. Les internautes et le magazine Le Point ont pu y trouver les premières vidéos et photos de l’homme abattu par le RAID, depuis diffusées largement en ligne, ce qui a permis de mettre mardi matin un visage sur le nom du terroriste.

Une image de Larossi Abballa extraite de son profil Facebook le 14 juin, et diffusée par l’agence de presse AFP. Le profil de Larossi Abballa a depuis été désactivé. | STR / AFP

Des photos également sur Twitter

Toujours selon les constatations de David Thomson, c’est cependant sur le profil Facebook au nom de « Mohamed Ali » que le tueur a également publié des photographies de la scène et des corps des victimes au cours de la soirée. Des publications qui coïncident avec la diffusion lundi soir de telles images sur le réseau social Twitter, comme ont pu le constater certains utilisateurs.

Raison pour laquelle la police nationale a appelé à ne pas « contribuer à la diffusion de photos malveillantes » sur Twitter, vers minuit, en faisant directement référence à l’attaque de Magnanville.

Contacté par Le Monde, Twitter a refusé de commenter les témoignages liés aux images de Larossi Abballa et a dit que le réseau social « condamnait l’usage de Twitter pour faire l’apologie du terrorisme ». Twitter a ajouté que plus de 125 000 comptes faisant l’apologie du terrorisme, « principalement liés à l’Etat islamique » ont été supprimés depuis la mi-2015.