La station des Menuires (Savoie), exploitée par la Compagnie des Alpes. | Jon Arnold Images/ hemis.fr / Jon Arnold Images/ hemis.fr

Un an après avoir obtenu les clés du Club Méditerranée, Guo Guangchang reste attiré par la France. Fosun, le conglomérat contrôlé par le milliardaire chinois, est en négociations en vue de prendre une participation, de l’ordre de 10 % à 15 %, dans la Compagnie des Alpes, indiquent des sources concordantes. Le « Warren Buffett chinois » deviendrait ainsi l’un des principaux actionnaires de la société qui exploite onze des plus fameux domaines skiables français (Tignes, Val d’Isère, Les Arcs, les Deux Alpes, etc.), ainsi que le Parc Astérix, le musée Grévin, ou encore le Futuroscope de Poitiers.

Au moment où AccorHotels cherche à freiner les appétits d’un autre investisseur chinois, les tractations engagées avec Fosun sont, elles, totalement amicales. Depuis plus d’un an, le PDG de la Compagnie des Alpes, Dominique Marcel, cherche un ou des partenaires pour muscler son capital et accélérer le développement international de l’entreprise. « Nous avons des contacts avec divers groupes, pas seulement chinois, assure-t-il. Les discussions sont désormais plus approfondies, et j’aimerais aller vite. L’entreprise étant cotée, nous avons tout intérêt à organiser cette recomposition du capital plutôt que de nous retrouver avec un actionnaire rampant. »

Des divers candidats en lice, Fosun est celui avec lequel les pourparlers sont les plus avancés, précise un proche du dossier. Ses dirigeants ont déjà rencontré ceux de la Caisse des dépôts, actionnaire de référence avec 40 % du capital.

Des craintes en Savoie

Le groupe de Shanghaï ne peut être qu’intéressé. Depuis quelques années, il investit massivement dans les loisirs et le tourisme, un de ses grands métiers avec l’assurance. Il a pris des participations dans le Club Med, mais aussi dans les agences Thomas Cook, dans le Cirque du Soleil, ou encore dans un domaine de ski à Hokkaido (Japon). Son ambition est de constituer ainsi un « écosystème », de faire travailler toutes ces entreprises ensemble, et de les aider à profiter de l’explosion du tourisme chinois.

C’est précisément ce que vise le PDG de la Compagnie des Alpes. Depuis quelques années, M. Marcel a poussé son entreprise à sortir de ses frontières, en commençant par des missions d’ingénierie pour des opérateurs étrangers. Récemment, la Compagnie a ainsi été choisie pour aider à ouvrir la station de ski de Thaiwoo, qui accueillera des épreuves des jeux olympiques de Pékin en 2022.

A présent, il s’agit d’aller plus loin, et que la société exploite elle-même des sites loin de ses bases. En particulier en Chine. « Or dans ce pays, on ne peut pas se développer seul, considère M. Marcel. Il faut passer par des sociétés communes, et avoir si possible ses partenaires chinois à son capital. » L’affaire, pourtant, n’est pas simple. Elle nécessite un accord sur le prix de la Compagnie des Alpes, une société qui pèse 395 millions d’euros en Bourse, et que certains estiment sous-évaluée.

Surtout, la perspective que des Chinois entrent au capital suscite des craintes en Savoie. « Si l’entreprise a besoin de partenaires financiers, on peut en trouver sans aller si loin ! », s’exclame Fabrice Pannekoucke, maire (LR) de Moûtiers. « Au nom des élus de la montagne », le député (LR) Hervé Gaymard s’est lui aussi déclaré hostile à toute « dilution du capital de la Compagnie des Alpes au profit d’investisseurs étrangers ». interpellé, le ministre de l’économie Emmanuel Macron a promis à l’Assemblée nationale, le 22 mars, que la Caisse des dépôts ne vendrait pas une action de sa filiale, et en garderait donc le contrôle. Pas question qu’après avoir pris 10 % ou 15 % du capital, un groupe tel que Fosun devienne peu à peu majoritaire, comme cela a été le scénario au Club Med.

Pour la Compagnie des Alpes, s’implanter dans des zones en essor comme la Chine et y capter de nouveaux clients susceptibles de visiter ses sites historiques est jugé indispensable. En France et au Benelux, ses terres privilégiées, l’entreprise ne peut en effet espérer des miracles, compte tenu de la faible croissance économique.

Elle n’y reste pas inactive pour autant. En montagne, elle fait tout pour attirer les skieurs, alors que la fréquentation des stations stagne dans la plupart des pays européens. Il s’agit à la fois d’offrir aux clients des activités originales et de rénover les résidences, dont certaines commencent à dater. Côté parcs de loisirs, les investissements visent à ce que les clients partent avec des étoiles dans les yeux… et reviennent. L’ensemble commence à porter ses fruits. L’exercice en cours devrait ainsi se terminer sur une hausse du chiffre d’affaires de près de 6 %, selon les analystes de Portzamparc.