Felipe Pantone, « Data Somersault », Lasco Project #5, Palais de Tokyo hors les murs, Tunnel du DuplexA86. Work in progress. | Nicolas Gzeley

C’est une « cathédrale », comme surnomment l’endroit les employés de Vinci Autoroutes, qui est l’écrin de la première proposition hors les murs du Lasco Project, la programmation dédiée au graffiti et au street art du Palais de Tokyo. Une programmation qui cultive l’esprit exploratoire et le goût des opérations secrètes du milieu, avec chaque année depuis cinq ans, des figures du monde entier invitées à investir des espaces clandestins dans les entrailles du centre d’art contemporain parisien, sous le commissariat de Hugo Vitrani.

Felipe Pantone, « Data Somersault », Lasco Project #5, Palais de Tokyo hors-les-murs, Tunnel du DuplexA86. Work in progress. | Nicolas Gzeley

Pour cette première échappée hors du Palais de Tokyo, et alors que se prépare Lasco #5 et son lot de surprises, le graffeur argentin Felipe Pantone, installé à Valence (Espagne), s’est vu proposer un lieu hors norme grâce à un partenariat avec Vinci Autoroutes : une amorce de tronçon de l’A86, autoroute circulaire de l’agglomération parisienne qui devient souterraine entre Versailles et Rueil-Malmaison. Le tunnel en service, réservé aux automobiles, devait initialement être doublé d’un second dédié aux poids-lourds qui n’a jamais été creusé. Sauf l’entrée, sur une centaine de mètres, côté Rueil-Malmaison, qui offre un espace fantôme de près de 4 000 mètres carrés de surface de murs, plafonds et sol.

Paysages numériques

Son travail est dévoilé au public ce dimanche 22 mai à l’occasion de la Fête de l’autoroute, événement national conviant les visiteurs sur des portions d’autoroute exceptionnellement fermées à la circulation pour quelques heures, à venir découvrir à pied ces lieux de circulation autour d’animations festives et sportives (concerts, runnings...).

Felipe Pantone, « Data Somersault », Lasco Project #5, Palais de Tokyo hors-les-murs, Tunnel du DuplexA86. Work in progress. | Nicolas Gzeley

L’espace, qui se découvre progressivement, au fil de la descente en pente douce, révèle des paysages abstraits de palette numérique, dans des dégradés presque psychédéliques ou pixellisés, des mires 2.0 en noir et blanc façon QR codes ou d’infinis réseaux graphiques comme autant de fenêtres de type Photoshop ou de pop-up. « Il y a toujours dans son travail un jeu rétinien, dans un style à la fois rétro et futuriste entre cinétique, art optique et esthétique post-Internet », analyse Hugo Vitrani.

L’œuvre, qui emplit le lieu du sol au plafond, s’intitule « Data Somersault » (saut périlleux des données). Rencontré vendredi 20 mai en plein chantier, au cours d’un joyeux marathon de six jours entouré de six assistants pour relever le défi, l’artiste de 32 ans se livre volontiers sur son travail. « L’invention de l’imprimerie a fait faire un bond en avant à l’humanité. Avec l’ère numérique, on peut parler de supersaut périlleux : le savoir est partout, les informations circulent jusqu’à la saturation, c’est une époque cruciale, et très excitante », explique-t-il dans un sourire en contemplant ce qu’il appelle sa « chapelle Sixtine ».

Felipe Pantone, « Data Somersault », Lasco Project #5, Palais de Tokyo hors-les-murs, Tunnel du DuplexA86. Work in progress. | Nicolas Gzeley

Il s’agit du premier projet avec une institution pour le graffeur. Si l’œuvre s’installe sur la durée dans cette grotte industrielle métamorphosée par ses flashs pariétaux de couleur et de mouvement, le public n’aura ce dimanche que trois heures (de 9 heures à midi) pour la découvrir. De futurs accès sont prévus lorsque Lasco #5 révélera ses nouvelles opérations, au mois de juillet.