Un agent de change à Lagos (Nigeria), en octobre 2015. | Sunday Alamba / AP

La Banque centrale du Nigeria (CBN), qui maintenait inchangé le taux de change du naira vis-à-vis du dollar, a ouvert la voie, mercredi 15 juin, à la dévaluation de sa monnaie afin de rassurer les investisseurs étrangers alors que le pays traverse des turbulences économiques.

La chute des cours mondiaux du pétrole, qui compte pour environ 70 % des revenus de l’Etat et 90 % des réserves de devises étrangères du Nigeria, a plongé la première économie d’Afrique dans une crise économique et financière sans précédents.

Au marché noir

Conséquence : les devises étrangères se sont ainsi mises à manquer, entraînant une chute du naira au marché noir. Malgré ce phénomène, les autorités avaient décidé, depuis mars 2015, de maintenir le taux de change officiel à 197-199 nairas pour un dollar, le président Muhammadu Buhari considérant jusqu’ici qu’une dévaluation « tuerait » le naira.

« Nous pensons désormais que le moment est propice pour restaurer les mécanismes d’ajustement automatiques du taux de change, avec la réintroduction d’un taux interbancaire flexible sur le marché », a toutefois déclaré mercredi le gouverneur de Banque centrale, Godwin Emefiele, lors d’un discours à Abuja, la capitale.

A partir du 20 juin, « le taux de change va être purement dicté par le marché », a-t-il assuré, plaidant en faveur d’un « marché aussi transparent, fluide et efficace que possible ». Des analystes ont aussitôt applaudi la décision de la Banque centrale, estimant que cette mesure allait attirer des investissements étrangers dont le pays a grandement besoin.

« De fausses alertes »

« Après plusieurs fausses alertes, cela semble être un pas en avant dans la bonne direction, a estimé l’économiste Alan Cameron, de l’agence londonienne Exotix. Cela va faire la différence, cela va amener beaucoup plus de certitudes au moment de prendre la décision d’investir. »

Pour l’économiste Razia Khan, spécialiste du Nigeria pour la banque Standard Chartered, si cette mesure est « positive », il faut attendre qu’elle soit mise en place pour pouvoir la juger réellement. Les mesures macroéconomiques prises par M. Buhari, au pouvoir depuis un an, avaient effrayé les investisseurs, ramenant les investissements étrangers directs à leur plus bas niveau depuis la crise économique mondiale de 2007-2008, selon l’agence financière Bloomberg. Le naira s’échangeait à 370 pour un dollar au marché noir mercredi au Nigeria.

Le gouverneur de la Banque centrale, Godwin Emefiele, avait prévenu en mai que la récession était « imminente », au vu du ralentissement de la croissance au premier trimestre 2016. En mai, l’inflation a atteint 15,6 %, son plus haut niveau en six ans.

Si le Nigeria a vu ses ressources en devises étrangères fondre de façon « significative », M. Emefiele a déclaré à la presse, mercredi, qu’il n’y avait « pas lieu de s’inquiéter ». Les réserves en dollars, qui étaient de 42,8 milliards (37,9 milliards d’euros) en janvier, ne sont toutefois plus qu’à 26,7 milliards de dollars.