Sébastien Bazin, le patron du groupe hôtelier français AccorHotels, le 30 mai à Paris. | ERIC PIERMONT / AFP

Le chinois est une langue difficile pour un Européen, pleine de tonalités chantantes et de faux amis. Son apprentissage est donc long. Sébastien Bazin, le patron du groupe hôtelier français AccorHotels, devrait pourtant accélérer le rythme de ses cours du soir. Après le basique « ni hao », utilisé pour dire bonjour quand on visite le pays, il a pu lancer un « huan ying ni », bienvenue, pour accueillir son nouvel actionnaire, le chinois Jin Jiang, le 19 avril, à l’occasion de l’assemblée générale du groupe, en trouvant que ce serait « une très bonne chose » que ce dernier entre au conseil d’administration.

Mais les rudiments ne suffisent plus. Comme la Seine en ces temps pluvieux, le flot des ambitions chinoises sur l’Europe devient de plus en plus difficile à contenir. Rien que dans l’hôtellerie-restauration, on a assisté au débarquement du groupe HNA (Hainan Airlines) au capital de Carlson Hôtel, propriétaire des hôtels Radisson, puis dans les repas pour avions, avec le suisse Gategroup et plus récemment dans le français Servair, filiale d’Air France. HNA est déjà actionnaire à 30 % de la chaîne espagnole NH Hôtels et Jin Jiang des hôtels Campanile du groupe Louvre. Sans parler de Fosun, propriétaire du Club Med, ou du géant de l’assurance Anbang, qui rode après avoir échoué à mettre la main sur l’Américain Starwood.

Les raisons de cet engouement sont connues. Le ralentissement chinois pousse les groupes à chercher la croissance ailleurs, les capitaux – notamment en dollars – sont abondants, et la perspective d’ouvrir aux cibles l’immense marché chinois permet de proposer des prix très attractifs aux vendeurs. La Chine est le premier réservoir à touristes du monde. Selon les autorités nationales du pays, près de 120 millions de Chinois sont sortis de leur frontière en 2015. Plus que le flot d’Américains ou d’Européens. Sans parler des centaines de millions de voyageurs domestiques.

Ne pas brusquer les choses

Face à de tels arguments, les Européens hésitent entre la bonne nouvelle de ce boum inédit des investissements étrangers... et la crainte de laisser fuir les centres de décision de fleurons nationaux. Si personne ne s’alarme de voir des fournisseurs de repas d’avion passer sous pavillon chinois, l’inquiétude point quand il s’agit de fleurons. D’où l’émotion allemande devant l’assaut du groupe électroménager cantonnais Midea sur le fabricant de robots Kuka.

D’où l’émotion que soulèverait dans les milieux politiques français l’achat d’AccorHotels par le groupe public Jin Jiang, qui tente ces jours-ci de monter au capital. Patients et diplomates, les Chinois savent que leur intérêt n’est pas de brusquer les choses mais plutôt de jouer l’harmonie avec les autorités locales. Comme cela s’est fait en France avec l’entrée conjointe du groupe public Dongfeng et de l’Etat français au capital de PSA. Un nouveau mot utile au lexique de Sebastien Bazin : « liao liao tian », discutons !