Le président américain, Barack Obama, et le premier ministre indien, Narendra Modi, dans le Bureau Ovale à Washington, mardi 7 juin 2016. | Pablo Martinez Monsivais / AP

Le beau fixe facilite l’humour, et le premier ministre indien, Narendra Modi, ne s’en est pas privé en s’exprimant, au cours d’une session spéciale, devant les deux chambres du Congrès américain, mercredi 8 juin. En visite aux Etats-Unis pour la quatrième fois depuis son arrivée au pouvoir, en mai 2014, M. Modi a donc loué « l’harmonie » qui régnerait sur la colline du Capitole, où les blocages sont devenus la norme, précisant qu’il en allait de même à New Delhi. Le premier ministre indien a ajouté que « plus d’Américains se penchent pour pratiquer le yoga que pour un lancer de base-ball », mais que l’Inde n’en a pas revendiqué « la propriété intellectuelle ».

Le sentiment de routine qui a entouré le déplacement du premier ministre indien dit bien la confiance qui s’est installée entre « la plus ancienne démocratie » et « la plus grande », comme l’a indiqué M. Modi devant les élus américains. Ce dernier a d’ailleurs pris soin de n’évoquer que par allusion l’incommode voisin pakistanais qui est aussi un allié des Etats-Unis, au détour d’une dénonciation d’un terrorisme qui « couve près de l’Inde ».

Le premier ministre indien, Narendra Modi, devant le Congrès américain, mercredi 8 juin 2016, à Washington. | CHIP SOMODEVILLA / AFP

Le nucléaire, succès tangible

Les annonces ont par ailleurs été rares. Recevant à la Maison Blanche mardi un visiteur avec lequel il entretient des relations particulièrement cordiales, M. Obama s’est borné à faire part de la volonté des deux pays de ratifier l’accord de Paris sur la lutte contre le réchauffement climatique, sans donner plus de précisions.

Le nucléaire, l’un des succès les plus tangibles des relations indo-américaines de la dernière décennie, a été également au menu des discussions entre les deux dirigeants. Washington a tiré l’Inde de son isolement en concluant avec elle, en 2005, un accord nucléaire civil. New Delhi tente désormais de faire son entrée dans le groupe des fournisseurs nucléaires (GFN) qui contrôle le commerce mondial des équipements atomiques. Après sa visite à Washington, M. Modi devait se rendre au Mexique et en Suisse, deux membres du GFN, qui regroupe 45 pays.

La sollicitude américaine et la disponibilité indienne ne se limitent pas au climat ou au nucléaire. Les deux pays voient chacun dans l’autre un allié précieux pour contrer l’influence croissante de la Chine en Asie. Alors que les ambitions de Pékin en mer de Chine suscitent l’irritation de Washington et de ses alliés, New Delhi observe de près le dispositif que la Chine met en place sur son pourtour maritime, des installations portuaires civiles de Gwadar, au Pakistan, à Kyaukpyu, en Birmanie, en passant par Chittagong, au Bangladesh.

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La fin du « non-alignement »

Devant le Congrès, le premier ministre a assuré qu’un partenariat fort entre les deux pays peut « contribuer à assurer la sécurité des voies maritimes internationales et la liberté de navigation ». En avril, le secrétaire à la défense américain, Ashton Carter, a déjà conclu avec son homologue indien, Manohar Parrikar, un accord-cadre permettant aux deux armées de partager leurs bases navales et aériennes. En devenant un « partenaire majeur » des Etats-Unis sur les questions de défense, l’Inde sort de décennies d’ambiguïtés et de faux pas.

Le précédent gouvernement, dirigé par le Parti du Congrès, soucieux de ne pas froisser ses alliés communistes ou son électorat musulman, craignait de pousser trop loin le rapprochement avec Washington. Mais la nouvelle donne géopolitique et les besoins indiens de développement incitent M. Modi à sortir de cette doctrine de « non-alignement ».

Ce rapprochement suscite des interrogations de la part de nombreux analystes qui y voient une inféodation de l’Inde aux intérêts américains. « L’une des inquiétudes concerne le vaste écart entre l’Inde et les Etats-Unis à tous les niveaux : économique, militaire, technologique, et même dans leurs objectifs, leurs perceptions, leurs intérêts, et leurs moyens. Tout accord entre les deux sera inégal et penchera en faveur des Etats-Unis », redoutait ainsi l’analyste Vikram Sood, anciennement à la tête du renseignement extérieur indien, dans le quotidien The Economic Times daté du 31 mai.