Le ministre russe des sports, Vilaty Mutko, lors d’une conférence de presse donnée après l’annonce du Comité olympique russe sur les quatorze joueurs contrôlés positifs en 2008. | Alexander Zemlianichenko / AP

Le sport russe a encaissé, mardi 24 mai, un énième uppercut qui le laisse à terre, agonisant, à dix semaines de l’ouverture des Jeux olympiques de Rio où sa participation semble de plus en plus hypothétique : le Comité olympique russe a annoncé le contrôle positif de 14 de ses représentants lors des Jeux de Pékin, en 2008.

Ses athlètes constituent ainsi près de la moitié des 31 sportifs dopés détectés — on ignore à quelle substance — par le laboratoire de Lausanne à l’occasion d’une campagne de contrôles rétroactifs, réalisés avec les dernières méthodes de détection disponibles. L’opération visait à empêcher les tricheurs de participer à la grand-messe du sport dans trois mois au Brésil.

31 cas de dopage aux JO de Pékin

Le Comité international olympique (CIO) avait annoncé la semaine dernière que ces 31 sportifs positifs, sur 454 échantillons, provenaient de 12 nations. Le président du comité olympique français, Denis Masseglia, a affirmé au Monde qu’aucun tricolore n’était concerné. Puis il a souligné, au sujet de la cascade de cas positifs russes : « Ça n’est qu’un début. Ce n’est que Pékin. » Les nouvelles analyses de Londres 2012 (250 échantillons) livreront leur vérité ces prochains jours.

Parmi les 14 Russes figurent quelques vedettes de l’athlétisme, dont Anna Chicherova, médaillée de bronze en Chine et championne olympique quatre ans plus tard. Cette longiligne sauteuse en hauteur est l’une des reines de sa discipline depuis dix ans. Selon le code mondial antidopage, elle devrait, comme ses compatriotes, perdre le bénéfice de toutes ses performances post-JO 2008.

Si l’on en croit la liste de la télévision russe Match TV, 11 sont des athlètes, deux des haltérophiles et un pratique l’aviron. Dix de ces 14 sportifs étaient montés sur un podium à Pékin, ce qui va provoquer des redistributions de médailles en cascade, soumises à de nouvelles analyses pour leurs récipiendaires éventuels.

L’affaire ne pouvait pas plus mal tomber pour le sport russe. Le 17 juin, la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) doit déterminer si les Russes pourront participer à ses épreuves à Rio, suite aux révélations de ces dernières années sur le dopage dans l’athlétisme russe.

Question de la présence du sport russe à Rio

Lundi, la fédération russe, actuellement suspendue, avait organisé pour la presse internationale une rencontre avec deux de ses vedettes. Le mot d’ordre : Elena Isinbaïeva (saut à la perche) et Sergueï Choubenkov (110 mètres haies) doivent-ils payer pour les dérives des marcheurs et fondeurs ? L’argument a volé en éclats 24 heures plus tard, puisque sept des dix athlètes positifs sont des sprinteurs ou spécialistes des concours. L’IAAF, qui savait depuis de longues années que l’endurance russe était polluée par le dopage, a la confirmation que la potion magique coule dans tous les vaisseaux de l’athlétisme russe.

Dans la communauté sportive, un feu vert donné à l’athlétisme russe serait vécu comme un affront et cette issue semble de plus en plus improbable.

Mais c’est la question de la présence même du sport russe à Rio qui se pose. Depuis les révélations du directeur du laboratoire antidopage de Sotchi, l’intégrité de toutes les disciplines est remise en question. Grigory Rodchenkov a souligné, comme l’AMA avant lui, le rôle de l’appareil d’Etat dans le dopage des athlètes et la manipulation des résultats des contrôles.

L’AMA a depuis mis sur pied une nouvelle commission d’enquête. « Si l’existence d’un système organisé contaminant d’autres sports était avérée, les fédérations Internationales et le CIO devraient avoir une décision difficile à prendre, entre responsabilité collective et justice individuelle », écrivait dans nos colonnes, mercredi dernier, le président du CIO, Thomas Bach.

L’instance olympique se réunit à Lausanne la semaine prochaine, même si elle ne prendra aucune décision hâtive, dans l’attente de l’enquête sur Sotchi et des contrôles rétroactifs de Londres 2012.

Moscou a un ultime atout dans sa manche, le meilleur : son président, Vladimir Poutine, très impliqué dans la gouvernance du sport mondial et soutien majeur de Thomas Bach dans son élection à la présidence du CIO en 2013.

Accusations de dopage : la Russie peut-elle être privée des Jeux de Rio ?
Durée : 04:05