Un tuyau explosif qui ne s’est pas déclenché, trouvé dans le quartier Al-Breij, dans la banlieue nord d’Alep. | DR

L’arsenal répressif du régime syrien vient de s’enrichir d’une nouvelle arme bon marché : le tuyau explosif. L’engin, expérimenté ces dernières semaines à Alep avec des résultats sanglants, ressemble à une lance à incendie de plusieurs dizaines de mètres. Mais à la place de l’eau, l’intérieur est bourré de shrapnels et de produits explosifs. Le largage se fait par hélicoptères, comme les bombes-barils, autre instrument de terreur artisanal dont le gouvernement Assad a fait un usage dévastateur.

Selon des habitants d’Alep avec qui Le Monde s’est entretenu, cette arme a été utilisée à au moins cinq reprises contre les quartiers de l’est, contrôlés par la rébellion, début juin. Elle a déjà fait plusieurs morts et blessés, dont le nombre exact, compte tenu de la nouveauté du phénomène, reste pour l’instant inconnu. Le journaliste syrien Alaa Al-Jaber, qui se trouvait mardi 14 juin sur le site où l’un de ces engins a explosé, dans le quartier de Sukarri, affirme que 4 personnes en sont mortes et 5 autres ont été blessées.

Une arme anti-mines détournée

Originellement, ce type d’arme a une vocation anti-mines. Elle est d’habitude projetée depuis le sol, attachée à un missile, pour sécuriser une bande de terrain et ouvrir la voie à l’infanterie. Le lancement peut se faire de deux façons : soit depuis un canon fixe – il est possible que cette technique ait été aussi employée à Alep – ; soit depuis un blindé, comme le UR 77 Meteorit, de fabrication russe, qui est dotée d’une tourelle de projection (voir ce reportage de la télévision russe).

Un exemplaire de ce tank avait été filmé en action à Jobar, un quartier de Damas contrôlé par les insurgés, à l’automne 2014. Des photographies le montrent en train d’être convoyé, à la sortie de l’aéroport militaire de Mezzeh, au sud de la capitale, ce qui suppose que Moscou l’avait livré à son allié syrien par voie aérienne peu auparavant. A cette époque, déjà, sa vocation traditionnelle avait été détournée. Il ne s’agissait pas de nettoyer un champ de mines mais de détruire des positions rebelles.

C’est probablement Moscou qui a enseigné cette tactique. L’armée russe avait fait un usage anti-personnel de cette arme durant la seconde guerre de Tchétchénie (1999-2000), notamment pendant la reprise de la localité de Komsomolskoye. Selon le Moscow Defense Brief, un site d’information militaire russe anglophone, « la charge explosive excède une tonne et la puissance de l’explosion est telle que les maisons (…) ont été simplement rayées de la surface de la Terre ».

Cette arme est employée à Alep, sous une forme plus rudimentaire, alors que l’armée syrienne, épaulée par des supplétifs chiites étrangers et par l’aviation russe, s’efforce de finaliser l’encerclement de la ville. Une seule route, régulièrement bombardée, permet encore de ravitailler les quartiers est, tenus depuis juillet 2012 par l’opposition anti-Assad.