Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT et Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière lors de la manifestation contre la loi travail à Paris le 14 juin. | OLIVIER LABAN-MATTEI / MYOP POUR LE MONDE

Après 24 heures de négociations, le sort de la manifestation prévue à Paris, jeudi 23 juin, dans le cadre d’une journée de mobilisation contre le projet de loi travail dans toute la France, n’était toujours pas tranché, mercredi matin. Dans la journée de mardi, les syndicats (la CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL et FIDL) ont persisté dans leur refus « catégorique » d’un « rassemblement statique » place de la Nation, une solution préconisée par le gouvernement. Après les violences qui ont émaillé les précédentes journées de mobilisation, l’exécutif demeure hostile à des cortèges, et a menacé d’interdire la manifestation.

Les syndicats souhaitaient initialement défiler entre la place de la Bastille et la place de la Nation. Un trajet court pour « tenir compte », selon eux, des conditions de sécurité. Mardi, ils ont précisé avoir fait des « propositions alternatives de parcours » : Bastille-Place d’Italie, ou Denfert-Rochereau-Place d’Italie. « Les discussions se poursuivent et à ce stade aucune décision n’a été prise », affirmait-on à la préfecture de police en fin d’après-midi.

Dans la journée, Bernard Cazeneuve avait de nouveau invité les syndicats à accepter une « proposition de responsabilité qui consiste à rendre possible l’expression qu’ils souhaitent dans un contexte de sécurité maximal ». Le ministre de l’intérieur avait insisté sur le « niveau de menace extrêmement élevé avec un niveau de sollicitation extrêmement fort depuis plusieurs semaines des forces de l’ordre », mobilisées « sur l’Euro » de football, « aux frontières dans un contexte migratoire particulier », et « dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre ». Ces dernières « sont rendues difficiles par la présence significative de groupes violents. Il y a eu plus de 500 policiers blessés ».

Sarkozy contre l’interdiction, son parti pour

Au niveau politique, les réactions se sont multipliées pour commenter le bras de fer persistant entre le gouvernement et les syndicats. A droite comme à gauche, les avis divergent. A Berlin, en marge d’une rencontre avec la chancelière allemande, Angela Merkel, Nicolas Sarkozy, président du parti Les Républicains (LR), a estimé mardi qu’il n’était « pas raisonnable » d’interdire aux syndicats de défiler, tout en rappelant que si ces derniers « prennent l’initiative de l’organisation d’une manifestation, ils en assument les conséquences, et notamment les conséquences financières quand il y a des dégâts ». « Je ne crois pas que ce soit raisonnable qu’un gouvernement républicain décide d’interdire des manifestations », à part « quand c’est le fait de groupes et de groupuscules dangereux et violents », a-t-il ajouté.

Une position en contradiction avec la ligne officielle de LR : le porte-parole du parti, Guillaume Larrivé, a appelé lundi à l’interdiction de la manifestation. « Il ne faut pas attendre jeudi soir pour constater des débordements, il faut anticiper », avait-il déclaré. Alain Juppé, principal adversaire de M. Sarkozy dans la primaire de droite, avait considéré, mercredi 15, au lendemain de la manifestation qui avait dégénéré à Paris, qu’il fallait interdire les manifestations en cas de « menace évidente à l’ordre public ».

« Tout le monde peut comprendre que sans remettre en cause le droit de manifester, le gouvernement demande aux organisations de reporter les manifestations après l’Euro »
François Fillon

Un autre futur rival, François Fillon, déclare, lui, dans un entretien au Figaro à paraître mercredi, que « tout le monde peut comprendre que sans remettre en cause le droit de manifester, le gouvernement demande aux organisations de reporter les manifestations après l’Euro » de football, qui s’achève le 10 juillet. Pour Christian Jacob, patron des députés LR, l’ordre public doit « être maintenu. Au gouvernement de trouver les moyens ».

A gauche, plusieurs députés socialistes ont prévenu, mardi, qu’il serait à leurs yeux « inimaginable » qu’un gouvernement de gauche interdise une manifestation. « Je n’imagine pas et ne souhaite pas d’interdiction, sauf à faire de la CGT le bouc émissaire et la victime de la gauche au pouvoir », a déclaré le député (PS) Pascal Terrasse, proche d’Emmanuel Macron. Le « frondeur » Pascal Cherki (aile gauche du PS) a jugé que « si les syndicats veulent faire une manifestation, il faut qu’elle ait lieu ». Le patron des députés socialistes Bruno Le Roux a, lui, estimé que la capacité à manifester devait être « préservée », mais jugé que « les casseurs ont pris le pas sur les manifestants à de nombreuses reprises ».