A l'intérieur de l'exploitation de poules pondeuses du GAEC du Perrat, dans l'Ain. | L214

On les avait découvertes confinées, entassées, déplumées, pleines de poux et même évoluant sur des cadavres. Les 200 000 poules pondeuses et 150 000 poulettes de l’exploitation du GAEC du Perrat, dans l’Ain, dont les conditions d’élevage désastreuses avaient été révélées par une vidéo de l’association L214 mercredi 25 mai, vont très probablement être abattues. Vendredi, le préfet du département, Laurent Touvet, a en effet demandé, dans un arrêté préfectoral, « que les bâtiments d’élevage soient vidés et nettoyés sous un délai de trois semaines ».

« Soit l’exploitant vend ses poules à un abattoir, soit elles seront euthanasiées, à moins qu’il ne trouve un autre élevage pour les accueillir, mais cela reste hautement improbable », explique Laurent Bazin, le directeur départemental de la protection des populations. Après une période de vide sanitaire de deux à trois semaines au minimum, l’exploitant sera libre de déposer un nouveau dossier et « repartir à zéro » ou procéder à une liquidation judiciaire. L’agrément d’exploitation du site, qui emploie 20 salariés, n’a pour l’instant pas été retiré.

La décision a été prise « sur instruction de Ségolène Royal et Stéphane Le Foll [les ministres de l’environnement et de l’agriculture] », précise le communiqué de presse de la préfecture, après une réunion entre les services de l’Etat, l’éleveur, les fournisseurs et la chambre d’agriculture vendredi. Les ministres attendaient une réaction rapide, Stéphane Le Foll se réservant la possibilité de « fermer l’élevage ».

Non-conformités

« Cette décision exceptionnelle est l’aboutissement d’une succession de procédures administratives et pénales à l’encontre de cette exploitation qui avait, depuis quelques mois, montré de grandes difficultés à respecter les prescriptions techniques d’entretien et de nettoyage des bâtiments », explique la préfecture dans son communiqué.

L’établissement, qui produisait 160 000 œufs par jour, avait fait l’objet de plusieurs signalements pour non-respect des règles sanitaires et de bien-être des animaux. Deux arrêtés préfectoraux pris en mars 2015 et en janvier 2016 avaient constaté des non-conformités et prescrit des mesures correctives concernant notamment l’accumulation des fientes et l’importante prolifération de mouches. L’élevage a également été mis en demeure sur l’aspect sanitaire, et son activité a été brièvement réduite début avril, sur injonction d’un troisième arrêté préfectoral, après des plaintes de riverains liées aux nuisances.

Grande difficulté économique

Vue aérienne de l’élevage de poules pondeuses du Gaec du Perrat. | L214

« De surcroît, cet élevage est en très grande difficulté économique, avec un nombre d’employés devenu insuffisant pour remplir correctement les tâches quotidiennes d’un élevage. L’activité ne peut plus être assurée dans le respect des normes environnementales », poursuit le communiqué, indiquant que l’élevage, pour lequel un administrateur avait été désigné en mars, « n’a plus les moyens de poursuivre son activité ». « L’Etat sera vigilant aux possibilités de réembaucher localement les employés de l’exploitation », ajoute encore la préfecture.

Face à l’émoi suscité par les images, le leader français de l’œuf, Matines (propriété du groupe Avril que codirige Xavier Beulin, président de la FNSEA), a annoncé mercredi qu’il allait cesser de s’approvisionner dans l’élevage de Chaleins et promis de retirer en magasin les œufs déjà commercialisés. Le groupe Intermarché a lui décidé de ne plus vendre les œufs Matines et Top Budget en provenance de cette exploitation.

Installation classée

Comme toutes les exploitations d’élevage de plus de 5 000 volailles, le GAEC du Perrat est soumis à la législation des Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Ces sites, « susceptibles de créer des risques ou de provoquer des pollutions ou nuisances notamment pour la sécurité et la santé des riverains », font l’objet de règles particulières. A partir d’un seuil de 30 000 oiseaux, l’établissement doit bénéficier d’une autorisation de fonctionnement délivrée par le préfet. Avec 200 000 animaux, l’établissement de Chaleins, situé dans un département plus connu pour sa production des poulets de Bresse, reste néanmoins dans la moyenne des exploitations de poules en batterie en France.

La France est en effet le premier producteur européen d’œufs, avec 14,8 milliards d’unités en 2014, selon les données de la filière avicole (Itavi). Soixante-huit pour cent des 47 millions de poules pondeuses sont aujourd’hui élevées en cage, contre 25 % en bâtiments avec accès au plein air et 7 % au sol sans accès au plein air. L’Hexagone reste à la traîne de ses voisins européens, qui enregistrent une moyenne de 56 % d’élevages en batterie.