Dans une cantine à Saint-Michel, près d'Angoulême (Charente). | ROMAIN PERROCHEAU / AFP

C’est un coup de rabot annoncé sur le budget des familles nombreuses qui aurait pu passer inaperçu. Il faut, pour l’apercevoir, descendre jusqu’à l’article 27 d’un décret publié par le gouvernement le 16 mars, censé « simplifier » et « harmoniser » le dispositif de bourses nationales pour les élèves de collèges et de lycées. Le texte précise qu’à compter de la rentrée, « le régime de remise de principe d’internat dans les établissements d’enseignement public est abrogé ». Ce qui signifie que les foyers qui bénéficiaient de ce rabais sur le prix de la cantine et de l’internat risquent de le perdre à la rentrée 2016. Il revient en effet aux régions et départements (en charge, respectivement, des lycées et des collèges) d’adopter localement ces mesures… ou pas.

Cette « remise de principe » accorde une réduction de 20 % pour les familles ayant trois enfants scolarisés dans un établissement secondaire public (collège ou lycée donc), de 30 % pour celles en comptant quatre et de 40 % à partir de cinq enfants. S’y ajoute la gratuité pour le sixième enfant et les suivants scolarisés dans un le secondaire, et ce, « sans condition de revenu », souligne Patricia Humann, membre de l’union nationale des associations familiales (UNAF). « Cette réduction est indispensable aux familles qui supportent de nombreuses dépenses liées à la scolarité de leurs enfants et à leur transport, et dont les coûts s’additionnent pour chaque enfant », insiste cette association dans un communiqué.

183 000 foyers concernés

Selon l’UNAF, 183 000 foyers français ont plus de deux enfants âgés de 11 à 19 ans, ce qui représente un million d’élèves. « Les familles nombreuses déjà très fortement impactées par les mesures d’économie successives ne sauraient à nouveau faire les frais de cette réforme. Leurs enfants doivent pouvoir continuer à accéder à la cantine scolaire et à l’internat sans que le niveau de vie de leurs parents ne subisse un nouveau coup », poursuit l’association. Même indignation du côté de la fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE) : « Alors que de plus en plus d’enfants ne mangent pas à la cantine pour des raisons financières, la suppression de cette aide, notamment pour les familles nombreuses, risque de fragiliser les familles les plus en difficulté. »

Sollicité à plusieurs reprises par le Monde.fr sur les conséquences de cette abrogation pour les familles, le ministère de l’éducation nationale n’a pas donné suite. Le décret marque en tout cas un nouveau désengagement de l’Etat dans la gestion des établissements scolaires, dans la ligne du transfert des personnels des lycées et collèges aux collectivités territoriales qui a suivi la loi du 13 août 2004. A une grande différence près : départements et régions n’ont cette fois aucune obligation de prendre le relais.

Hausse de transports scolaires dans plusieurs départements

L’UNAF lance un appel à l’aide aux collectivités. Certaines le font déjà, indique l’Assemblée des départements de France qui a, en 2015, exercé un important lobbying lors de la réforme des collectivités territoriales, pour conserver la gestion des collèges que le gouvernement envisageait de transférer aux régions. Le Calvados, la Seine-Saint-Denis, les Alpes-Maritimes ou l’Essonne font partie des départements ayant mis en place des aides aux familles pour les cantines scolaires. Mais sous condition de ressources. Alors que la « remise de principe », supprimée par le décret, concerne tout le monde.

A savoir, la liberté laissée aux collectivités en matière de tarification n’est pas toujours au bénéfice des familles. Dans plusieurs départements, comme la Seine-et-Marne et les Pyrénées-Atlantiques, les tarifs de transport scolaire ont explosé en 2016. Dans la Marne, cette hausse a atteint 2 750 % pour les lycéens.