Philippe Barbarin préside une messe dans la cathédrale Saint-Jean à Lyon, début avril. | JEFF PACHOUD / AFP

Que savait le cardinal Barbarin sur le cas d’un prêtre lyonnais, suspecté d’abus sexuels sur de jeunes scouts il y a vingt-cinq ans ? Son audition, mercredi 8 juin par la police, doit aider à faire la lumière sur une affaire qui empoisonne l’Eglise de France.

L’archevêque de Lyon est arrivé mercredi, vers 8 heures, dans les locaux de la brigade départementale de protection de la famille, accompagné d’un avocat, Jean-Félix Luciani, pour une audition libre, dans le cadre d’une enquête préliminaire ordonnée par le parquet. Il reviendra prochainement au procureur de la République d’y donner suite ou non en classant l’affaire, en la renvoyant directement devant un tribunal ou en saisissant un juge d’instruction.

La convocation de M. Barbarin, après plusieurs mois de scandale, intervient aussi quatre jours après la publication d’une lettre apostolique dans laquelle le pape a ouvert la voie à la révocation d’évêques coupables de « négligence » dans leurs fonctions face à des cas de pédophilie.

Une affaire de dates

Le primat des Gaules, mis en cause pour des faits de « non-dénonciation » d’agressions sexuelles sur mineurs et de mise en danger de la vie d’autrui, doit s’expliquer sur le cas du père Bernard Preynat, mis en examen fin janvier pour des agressions sexuelles commises sur de jeunes scouts entre 1986 et 1991.

L’affaire est complexe : les faits sont anciens et le cardinal Barbarin, qui assure n’avoir « jamais couvert le moindre acte de pédophilie », n’est arrivé dans le diocèse de Lyon qu’en 2002, soit onze ans après le dernier fait retenu par la justice contre le « Père Bernard ».

Et les réponses du cardinal ont varié : évoquant d’abord un premier contact avec une victime en 2014, il a ensuite précisé avoir entendu parler de l’affaire, via un tiers, dès 2007-2008. Date qui peut avoir de l’importance, la prescription en matière de non-dénonciation étant de trois ans.

« Omerta »

Lors d’une réunion du clergé lyonnais, le 25 avril, le cardinal a reconnu « des erreurs dans la gestion et la nomination de certains prêtres ». Il a également demandé pardon aux victimes. Le pape lui a enfin apporté un soutien sans équivoque.

Pour les victimes regroupées au sein de l’association La Parole libérée, l’archevêque a bel et bien voulu étouffer les agissements de Bernard Preynat, en faisant perdurer « l’omerta » qui prévalait depuis les années 1970. Au moins six d’entre elles ont porté plainte.

Une seconde enquête préliminaire pour « non-dénonciation » est par ailleurs toujours en cours. Elle concerne une plainte d’un haut-fonctionnaire du ministère de l’intérieur affirmant avoir été victime d’agressions sexuelles, à 16 et 19 ans, de la part d’un autre prêtre lyonnais dans les années 1990. Le cardinal n’est pas entendu dans ce cadre mercredi.