La tour Montparnasse à Paris en juin 2016. | ERIC PIERMONT/AFP

La revue Le Moniteur, dont la vocation première est d’explorer le monde de la construction, vient de tomber sur un joli morceau : les nouvelles aventures de la tour Montparnasse, un concours lancé cette année pour transformer cet édifice ingrat, achevé en 1973, en nouvelle fierté des Parisiens d’ici 2024. L’opération, baptisée « Demain Montparnasse », sera conduite par l’Ensemble immobilier Tour Maine-Montparnasse (EITMM), qui compte 280 membres, propriétaires de tranches plus ou moins épaisses de cette bûche aux marrons, haute de 210 m. « ll s’agit de la mettre aux standards de demain et, ainsi, de lui redonner ce caractère de modernité qu’elle représentait il y a quarante ans», a expliqué au Moniteur Patrick Abisseror, le président de la structure porteuse du projet. Jeudi 16 juin, un concours a été lancé auquel peuvent candidater des équipes d’architectes et de bureaux d’études a priori familiers de ce type d’ouvrage. Date limite de dépôt des dossiers : le 13 juillet.

Ce sont les 73 copropriétaires de la tour qui en financeront la métamorphose à 100 %, le budget estimé étant 500 à 700 millions d’euros hors taxes. Les informations sont disponibles sur le site dédié à la compétition : demain-montparnasse.com. En septembre, six équipes seront sélectionnées et devront rendre un projet d’ici à la fin 2016. Ceux-ci seront analysés par un comité d’orientation composé de professionnels et présentés pour avis à la mairie de Paris, aux élus des 6e, 14e et 15e arrondissements ainsi qu’aux riverains.

« Une sorte de grand ­monolithe noir et marron »

Les cinq équipes qui ne seront finalement pas retenues seront rémunérées à hauteur de 120 000 euros. Quant au lauréat qui sera désigné au printemps prochain, il sera choisi par les copropriétaires de la tour. Ceux-ci s’appuieront sur l’expertise de l’architecte Jean-Marie Duthilleul, qui voit la tour actuelle comme « une sorte de grand ­monolithe noir et marron, très sombre, qui ne reflète pas le ciel ». L’architecte, qui a dirigé l’agence des gares et transformé la gare Montparnasse, un chantier parmi beaucoup d’autres qui l’ont conduit en Chine, en Corée, et sur nombre d’églises et de cathédrales, imagine une tour « beaucoup plus douce, blanche ou translucide, et surtout réfléchissante », recouverte d’une « double peau mince » tirant sur le gris ou le bleu « selon la météo ».

La forme même de la tour Montparnasse pourrait changer. Les candidats au concours auront le droit d’être créatifs et audacieux. « Toutes les propositions sont possibles, on accepte les surprises, s’amuse le coordonnateur. Pourquoi pas des balcons ou des occlusions dans la façade ? Pourquoi pas une coiffe pour en finir avec ce toit plat ? »

Jean-Marie Duthilleul, architecte : « C’est ici qu’a été inventé le cubisme il y a un siècle »

« C’est ici qu’a été inventé le cubisme il y a un siècle, rappelle Jean-Marie Duthilleul. On peut s’en inspirer, redessiner la tour comme si elle avait été conçue par Picasso ou Fernand Léger… » Les copropriétaires envisagent également de développer la composante culturelle liée à l’histoire du quartier. Pour Patrick Abisseror, « on pourrait proposer deux fois par an à un scénographe de s’emparer d’une façade de la tour ». L’idée d’Anne Hidalgo de faire de Montparnasse un Time Square parisien prendrait alors tout son sens. Enfin, si, à ce stade, le concours porte uniquement sur le gratte-ciel, l’EITMM caresse l’idée de redonner du lustre à l’ensemble de l’îlot Maine-Montparnasse.

S’agissant d’une structure privée, le concours échappe aux contraintes habituelles des constructions publiques et ainsi au redoutable système du partenariat public-privé, mode de financement par lequel une autorité publique fait appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public. Mais dont les conséquences peuvent s’avérer coûteuses pour l’Etat…

En revanche, depuis un an, les copropriétaires se sont donné comme syndic Icade, filiale de la Caisse des dépôts (9,2 milliards d’euros de patrimoine). Avant de possibles transformations, l’Icade doit gérer les 155 000 m2 des 56 étages de la tour, les 22 000 m2 du Centre international du textile, les 110 000 m2 du centre commercial… Soit au total 300 000 m2.

Présence d’amiante

Avant le miracle de sa transformation, la tour devra résoudre quelques problèmes qui, depuis sa fondation, lui ont pourri la vie, le plus important étant la présence d’amiante. Le désamiantage, commencé en 2006, avait déjà coûté 250 millions d’euros en 2013, date à laquelle un expert avait noté que la tour est probablement l’immeuble le plus contrôlé de toute la France (890 mesures d’air ont été réalisées depuis le 1er juillet 2013 dans les bureaux de la tour sans relever aucune pollution à l’amiante).

Enfin, il faut souhaiter que le choix de l’architecte échappe à la fois à la timidité et à l’ambition excessive. Faute de quoi le commentaire désabusé de Bernard Arnault sur l’état actuel de l’édifice pourrait se perpétuer. Un de ses petits plaisirs, déclarait récemment l’industriel, était de voir, du haut de la Fondation Louis Vuitton, la Défense, qui lui paraît « esthétique », et la tour Eiffel, qui, juste à cet endroit, a le bon goût de cacher la tour Montparnasse.