La déforestation dans l’Etat brésilien de Para, en 2009 | Andre Penner/AP

L’Amazonie est plus que jamais menacée par le développement des activités économiques de la région. C’est ce que l’ONG WWF constate dans son dernier rapport, Living Amazon Report 2016, publié lundi 13 juin.

Avec ses 6,7 millions de km² de forêt, dont 2,1 millions de km² protégés, l’Amazonie accueille 34 millions d’habitants et 350 groupes indigènes, 2 200 espèces animales et 40 000 végétales. Le tout traverse huit pays d’Amérique du Sud, sans compter les territoires d’outre-mer comme la Guyane française.

31 fronts de déforestation

Alors que 17 % de la forêt ont déjà été détruits, l’ONG définit 31 « fronts de déforestation » qui mettent en péril le bon état de la région et qui « cartographient les enjeux majeurs des dix prochaines années ». Une augmentation constante et considérable du nombre d’activités en Amazonie affecte en particulier les aires protégées, qui se voient dégradées, déclassées ou réduites, au profit de bénéfices économiques.

De plus en plus de démarches légales permettent ainsi le déclassement de ces aires protégées, « comme en Amapa [sur la côte nord du Brésil], où plusieurs élus voudraient installer de nouvelles plantations », explique Laurent Kelle, le responsable du WWF en Guyane. Les conséquences locales, mais aussi globales, sont multiples : émissions de gaz à effet de serre, destruction de la biodiversité, altération de l’hydrologie ou encore érosion des sols.

Activités agricoles et industries minières

La course aux terres et aux ressources se traduit surtout par l’explosion des activités agricoles – des monocultures de grande échelle pour la plupart, telles que le soja, qui nuisent à la biodiversité – et du nombre d’élevages de bétail, en premier lieu le bœuf.

Les industries minières et la construction de nouvelles routes, qui devraient traverser l’Amazonie d’est en ouest pour favoriser le développement du commerce avec l’Asie de l’est, sont aussi pointées du doigt, tout comme les 250 projets de barrages. « Si ces projets voient tous le jour, il ne restera que trois bassins vierges d’ici à 2050 », assure Laurent Kelle. Leur impact sur la biodiversité et la chaîne alimentaire entraînerait « des conséquences économiques majeures, notamment dans l’industrie de la pêche », ajoute-t-il.

« La construction de barrages est une activité problématique, abonde Plinio Sist, responsable du département Forêts et sociétés du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Ils entraînent des zones de déforestation importantes, même si leurs surfaces peuvent être plus limitées que d’autres activités », notamment les petites exploitations agricoles. Et de citer pour exemple « le barrage de Belo Monte au Brésil, qui va inonder une zone de 500 km², alors que le taux de déforestation annuel lié aux défrichements est d’environ 5 000 km² ». Pour M. Sist, il est donc « important de créer une politique de développement pour les petits agriculteurs, de leur offrir des alternatives au défrichage et de les aider à valoriser les parcelles de forêt dans leurs cultures ».

Vue satellite de l’Ouest du Brésil, qui témoigne de la déforestation amazonienne en août 2014 | NASA / REUTERS

Coopération régionale

Pour faire face à ces dysfonctionnements, le WWF juge urgent de développer une politique régionale propre à l’ensemble de l’Amazonie, au-delà des logiques nationales. Les pays concernés devraient « partager leur responsabilité » face à la perte de biome (macroécosystème) amazonien, sans oublier d’intégrer les peuples indigènes, « ressources importantes en matière de gestion de l’écosystème » et dont la survie dépend de son bon fonctionnement.

Un Traité de coopération amazonienne existe déjà, ratifié en 2012 par les huit pays concernés, à l’exception de la Guyane française. « Ce texte est majoritairement axé sur l’économie, tel que le développement des infrastructures et des transports, mais trop peu sur l’environnement. Il faut donc aller plus loin », estime Laurent Kelle.

Le Cirad aussi recherche cette coopération depuis plusieurs années, sans succès. Faute d’efforts collectifs, Plinio Sist tient à souligner les efforts individuels à l’image de ceux du gouvernement brésilien et de sa politique de transition forestière, « pour “reforester” tout en gardant des espaces de forêt naturelle ».

Le commerce international dans le viseur

Au-delà du bassin amazonien, l’ONG met le reste du monde sur le banc des accusés. Le WWF dénonce la responsabilité de la Chine comme gros importateur de viande de bœuf et de soja, et, de façon générale, la consommation mondiale : en 2012, la Bolivie a par exemple exporté 940 millions de dollars (840 millions d’euros) de soja et le Brésil 1,6 milliard de dollars de viande de bœuf.

Pour l’association, il importe de développer au plus vite une stratégie mondiale de protection de l’Amazonie. M. Sist considère que le rôle de la Guyane française, à ce sujet, est déterminant, et qu’elle « se doit d’être une vitrine européenne de la préservation de la forêt amazonienne ».