Par Vincent Rouaix, PDG de GFI Informatique

En ces temps de timide reprise, les grandes entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises et internationales cherchent des relais de croissance et se tournent vers l’Afrique. Le continent représente effectivement un potentiel considérable : avec une croissance prévue à 4,4 % pour 2016, il semble relativement insensible à la conjoncture mondiale défavorable et se situe bien au-dessus des perspectives globales (3,4 % selon les prévisions du Fonds monétaire international).

Néanmoins, l’idée d’un eldorado africain conçu comme un espace vierge immédiatement accessible est à nuancer et à préciser. De nombreuses spécificités de ce marché doivent d’abord être intégrées par toute entreprise qui voudrait y faire des affaires.

Il est d’abord primordial de prendre en compte l’état actuel de la demande. Les principaux besoins structurels du marché africain concernent les logiciels et l’intégration de services, c’est-à-dire le développement d’applications propres à chaque métier. Les infrastructures ont été à ce jour en grande partie déployées, les entreprises françaises ont désormais l’occasion de rattraper leur retard d’implantation en faisant valoir leur savoir-faire particulier dans les services.

Logiciels professionnels spécialisés et formation

Opérateurs télécoms, acteurs de la distribution, du secteur bancaire et de l’industrie se sont implantés en masse et cherchent à développer leur système d’information afin de pérenniser leur développement sur le continent. Comme le secteur privé, les administrations locales ont elle aussi des besoins considérables et lancent régulièrement des appels d’offres propres à intéresser les entreprises françaises de taille intermédiaire.

Ce besoin en logiciels professionnels spécialisés devenant un sujet majeur, de nombreux acteurs européens et américains ont déjà mis en place des contrats de services sur cette région du monde. Ceux-ci ont cependant pensé à court terme. Une fois la mission réalisée, ces acteurs ont déserté le terrain. L’attitude la plus adaptée aux besoins spécifiques du continent serait ici la plus audacieuse : elle consisterait au contraire à investir sur le long terme et à développer la formation de la main-d’œuvre locale.

La formation reste l’un des principaux challenges du continent : pour réaliser son potentiel économique, l’Afrique a besoin de programmes de formation en informatique à la hauteur de ses ambitions. Dans la création de cet écosystème éducatif, les ETI ont une importante carte à jouer et le jeu en vaut la chandelle : des consultants locaux qualifiés et formés aux modes de travail français sont la clé de partenariats à long terme. Encourager la formation ne sera pas seulement utile aux stratégies de recrutement des sociétés françaises mais permettra également de favoriser l’éclosion d’acteurs locaux qui seront leurs partenaires privilégiés.

Long terme

Malgré la montée de classes moyennes importantes et une relative stabilisation politique, l’instabilité structurelle du continent et sa forte dépendance aux matières premières n’ont pas été éliminées. La persistance de risques géopolitiques et macroéconomiques doit donc encourager les ETI françaises à diversifier leurs investissements : il est nécessaire de mutualiser les risques en se positionnant sur des plaques hétérogènes en termes de facteurs macroéconomiques.

A titre d’exemple, les sociétés dont l’activité était concentrée dans les pays anglophones, fortement dépendants de la manne pétrolière, connaissent aujourd’hui des difficultés directement imputables à la baisse du prix du baril.

Les entreprises françaises ont l’occasion de valoriser leur savoir-faire historique : celui du logiciel. En jouant le jeu de la dynamique de création d’emplois pérennes et en s’appuyant sur un tissu actif de partenaires locaux elles ont bien plus à gagner qu’en développant des stratégies de court terme. Sur ces bases, les acteurs français ont tout à gagner à participer sur le long terme à la lame de fond africaine.