Quand la Pyramide du Louvre disparaît : une anamorphose photographique de JR collée sur une face du monument en verre de Pei. | Francois Mori / AP

Après le Panthéon recouvert d’autoportraits d’anonymes, et l’Assemblée nationale servant de support à des portraits filmés lors de la COP21, l’artiste français JR prend d’assaut un nouveau monument parisien : le Louvre.

L’affiche annonçait une disparition : une photo froissée du bâtiment du musée, avec une déchirure triangulaire en son centre, un vide en lieu et place de sa pyramide de verre. Tout était là (du papier, une photo en noir et blanc, un tour de passe-passe), mais JR prévoyait exactement l’inverse pour cette disparition programmée : une soustraction au regard par l’ajout. L’artiste français a ainsi recouvert la face la plus photographiée de la construction de verre conçue par Pei par le morceau de façade qu’elle cache habituellement, révélant ce que l’on ne regarde plus depuis la fin des années 1980, époque où l’irruption du monument, point d’entrée dans le musée, avait d’ailleurs créé une forte polémique.

Si l’effet de ce trompe-l’œil est aussi amusant que saisissant, c’est qu’il combine les époques également au niveau technique. Ce qui se présente comme un point de vue disparu ne fonctionne que grâce à une anamorphose afin que la face inclinée de la pyramide puisse créer l’illusion d’un aplat. Or, si ce procédé optique est ancien, il évoque par le recours à la photographie un autre type de manipulation, cette fois de l’ère numérique : Photoshop. Le dispositif opère ainsi comme un copié-collé visuel à l’échelle du paysage urbain. Un « trucage » néanmoins souligné par le noir et blanc de la photographie.

Collage de l’anamorphose de JR sur la Pyramide du Louvre le 24 mai, veille de l’inauguration de l’installation. | JOEL SAGET / AFP

Le collage s’inscrit dans le projet « Unframed » que JR mène depuis 2009. Dans cette série, le street-artiste utilise des images d’archive pour leur donner une nouvelle vie en les réinsérant dans leur contexte architectural initial. Un jeu d’irruption et de réactivation de la mémoire collective qu’il l’a récemment déployé à Ellis Island, lieu symbolique de l’immigration, à New York.

Un programme-marathon de 24 heures

La création s’accompagne d’une série de rencontres au Louvre. La première fut un concert-DJ set surprise du chanteur d’Arcade Fire, Win Butler, autour d’un bassin du Jardin des Tuileries, mercredi 25 mai, le jour de l’inauguration de l’installation.

JR a imaginé un programme-marathon sur une journée complète, du samedi 28 au dimanche 29 mai. Il débutera le samedi à 15 heures par une « masterclass » de l’artiste animée par Sam Stourdzé, le directeur des Rencontres de la photographie d’Arles, suivie à 17 heures d’une conversation entre les artistes Daniel Buren, Felice Varini et JR et le philosophe Peter Sloterdijk sur « L’art de créer dans l’espace public ».

JR le jour de l’inauguration de son installation au Louvre, mercredi 25 mai. | JOEL SAGET / AFP

A 19 heures, l’artiste et la cinéaste Agnès Varda présenteront Visages, visages, leur documentaire en cours de réalisation. A 21 heures, deux artistes magiciens, Yann Frisch et Arthur Chavaudet, réaliseront des tours dans les salles du musée fermé (cinq « Impromptus magiques » de trente minutes par groupes de 25).

Enfin à minuit trente, le pianiste berlinois Nils Frahm installera pianos, orgues et machines sous la Pyramide pour un concert jusqu’au lever du jour en duo avec le musicien et producteur islandais Olafur Arnalds.

L’affiche, façon gravure ancienne, du programme de 24 heures de rencontres  au Louvre imaginé par JR. | Francois Mori / AP

A 6 heures, dimanche matin, le chef Jean Imbert proposera un petit-déjeuner « d’inspiration gréco-romaine » pour 100 personnes devant la Victoire de Samothrace, puis à 9 h 30, l’Auditorium du Louvre accueillera des ateliers participatifs pendant deux heures. Enfin, JR clôturera ses vingt-quatre heures par un « Eloge de l’image virale » de 14 heures à 15 h 30.

L’installation sur la Pyramide restera visible jusqu’au 27 juin. Avec des embouillages en vue à toute heure : une anamorphose ayant la particularité de n’offrir l’illusion que depuis un seul point de focale, une nouvelle queue se forme désormais spontanément devant ce point de vue stratégique.