Comment expliquer une telle imprécision, pour ne pas dire erreur, dans la prévision de la hauteur de la Seine à Paris ? Jeudi 2 mai, jusqu’en fin d’après-midi, le site Vigiecrues annonçait un pic de crue entre 5,3 et 5,9 mètres, prévu vendredi matin. Las, le lendemain, nouveau communiqué, mais avec des chiffres sensiblement à la hausse : « Le pic de crue sur Paris est prévu ce soir vers 6,30 m, voire 6,50 m dans des hypothèses plus défavorables. » Une différence de taille, puisque le plan de protection des stations de métro est déclenché à partir de 6,50 m. Vendredi en fin d’après-midi, le pic a finalement été rabaissé entre 6,10 et 6,40 m.

En images : Paris sous les eaux

Pour établir leurs prévisions de crues, les hydrologues se fondent sur les précipitations annoncées et observées par Météo France et sur les mesures de débit des cours d’eau notamment fournies par un réseau de stations automatiques, sur lesquelles ils font tourner des modèles. Météo France a-t-elle donc failli ? « Nos prévisions étaient correctes, assure François Gourand, prévisionniste. Les très fortes précipitations du week-end et du début de semaine ont été suivies d’un nouvel épisode pluvieux, de beaucoup plus faible importance, mais susceptible d’alimenter les crues, les sols étant déjà saturés et les cours d’eau gonflés. »

Et de détailler : « Nous avions prévu, de mercredi soir à jeudi soir, un cumul de 10 à 20 mm d’eau sur le quart nord-est du pays, avec, localement, des maximums de 30 à 40 mm. C’est ce que nos stations de mesure ont effectivement relevé : entre 12 mm à Orléans (Loiret) et 29 mm à Voulton (Seine-et-Marne). »

Défaillance de la station hydrométrique de Paris-Austerlitz

D’où vient alors l’écart entre les pics de crue annoncés ? « C’est une question qu’il faudra analyser à tête reposée, une fois la crise passée, en faisant un retour d’expérience, répond Bruno Janet, hydrologue à Vigicrues. Les modèles ont des marges d’incertitude et peut-être avons nous été trop optimistes. » S’y est ajouté, a indiqué vendredi Vigicrues, « un problème technique sur la station hydrométrique de Paris-Austerlitz », où est mesurée la hauteur de la Seine. Une défaillance qui a conduit à remplacer les relevés automatiques par des mesures faites par des observateurs.

« Il y a deux sources d’incertitudes majeures dans ce genre de prévisions : les précipitations et les débits d’eau », explique Vazken Andreassian, hydrologue à l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture. « En général, les petites erreurs de prévisions de la pluviométrie n’ont pas un tel impact car les sols ne sont pas autant détrempés. Là, toutes les pluies supplémentaires se retrouvent immédiatement dans les rivières », estime-t-il.

« Quant à la mesure des débits, nécessaire pour prévoir les hauteurs d’eau, elle est réalisée précisément pour les grands fleuves, mais moins pour les plus petites rivières », poursuit l’expert. Sur la Seine par exemple, les équipes de la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie mesurent le débit grâce à des équipements (des courantomètres hydroacoustiques) installés sur des bateaux. Rien de tel pour les petits affluents, proches de Paris, faute de moyens. « On mesure alors la hauteur des cours d’eau, que l’on transforme en débit grâce à une extrapolation, explique Vazken Andreassian. Or, cette relation hauteur-débit est plus fiable pour les situations normales que celles exceptionnelles : dans ce dernier cas, on manque de points où elle a été calculée. »