Manifestation de la CGT devant la centrale nucléaire de Chinon, le 26 mai. | GUILLAUME SOUVANT / AFP

Alors que le conflit social se durcit autour de la « loi travail », opposant le gouvernement et les militants de la CGT, réflexions sur les raisons d’une contestation qui révèle les fractures de la société française.

La sociologue du travail Danièle Linhart souligne que « ce qui semble le plus choquer dans cette loi, c’est l’inversion de la hiérarchie des normes, qui prévoit que la négociation locale, où le rapport de force entre patrons et salariés est moins favorable peut prévaloir sur celle de branche et nationale ». Avec les risques de dégradation des conditions d’emploi, tirées vers le bas.

Elle associe une certaine résignation des salariés à l’influence de l’opinion qui stigmatise les avantages acquis. Ils « auraient rendu les salariés égoïstes, frileux et paresseux et mettraient des bâtons dans les roues des employeurs anxieux de s’ajuster aux conditions de la concurrence ». « D’où vient alors cette force qui pousse des salariés à faire grève dans la durée », s’interroge-t-elle. Dans « l’intensification du travail », dans « la fixation d’objectifs individuels de plus en plus élevés », etc. qui entraînent risques psychosociaux et gâchis en termes de performance… conduisant les salariés à mettre en cause les « choix managériaux qui les oppressent ».

Tout autre point de vue du président des sociétés de conseil Alixio et Taddeo, et ancien conseiller aux affaires sociales du président Nicolas Sarkozy, Raymond Soubie, pour qui tout est de la faute de la CGT : « Les manifestations de rue n’ont jamais connu l’ampleur – et de loin – de celles des années précédentes, en 2010 par exemple, lors de la réforme portant l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans », constate-t-il. Même si déception et ressentiment sont alimentés par d’autres sujets d’inquiétude, comme l’éloignement « de l’idéologie traditionnelle du Parti socialiste » du pouvoir élu, ou le « rejet de la classe politique ».

Mais, poursuit-il, la CGT « a changé depuis quelques années dans ses comportements : encore plus à gauche, au sein de l’idéologie traditionnelle de celle-ci, bien éloignée du « syndicalisme rassemblé » prôné naguère par Bernard Thibault », en raison de son affaiblissement. Elle compenserait la baisse de son influence par une « fuite en avant » « assumant apparemment les risques nés des débordements autour des manifestations », le gouvernement étant tenu in fine pour responsable de la situation.

Raymond Soubie conclut en expliquant que « le discours de la réforme ne doit pas se limiter à proposer de réduire – même pour la bonne cause – les avantages acquis » mais passe par explications, pédagogie et… vertu, c’est-à-dire le « respect de règles d’éthique minimales et le juste retour des résultats de l’effort consenti ».

A lire sur le sujet :

Loi travail : « D’où vient cette force qui pousse des salariés à faire grève dans la durée ? », par la sociologue du travail Danièle Linhart (directrice de recherche au CNRS, membre du laboratoire GTM (Genre-travail-mobilités) – CRESPPA (Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris). Parce qu’il cautionne des principes de management qui insécurisent les salariés, le projet de loi est le catalyseur d’une vraie contestation.

Loi travail : « La CGT pratique la fuite en avant », par Raymond Soubie (Président des sociétés de conseil Alixio et Taddeo et ancien conseiller aux affaires sociales du président Nicolas Sarkozy). Par des actions concertées, menées dans des secteurs où elle est majoritaire, la CGT cherche à donner l’impression d’un mouvement d’ampleur.

A lire aussi :

Crise sociale : c’est par où la sortie ?, par Bastien Bonnefous, Michel Noblecourt et Didier Revault d’Allonnes.

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