« Entre vous et moi, Preacher n’est pas une gentille série. Elle est blindée de comportements arrogants, de langage cru et de blasphème gratuits. (…) J’imagine que c’est mieux de vous prévenir, si vous êtes le genre de personne à vous sentir contrariée quand on fait preuve d’irrévérence devant les choses les plus importantes à vos yeux… la politique, la religion, la façon de se tenir à table, tout ça… » Cet avertissement, Garth Ennis, le scénariste de ce « comic » culte, le donnait déjà il y a une vingtaine d’années dans le courrier des lecteurs de la BD. Et c’est certainement ce qu’attendent les fans à propos de l’adaptation en série télévisée commandée par la chaîne américaine AMC, dont l’épisode pilote est diffusé dimanche 22 mai.

World Premiere Trailer: Preacher
Durée : 01:27

Publiée entre 1995 et 2000 aux éditions Vertigo, un label de DC Comics, Preacher retrace les aventures de Jesse Custer, un pasteur qui officie dans un village du Texas. Lors d’un prêche, Genesis, une force surnaturelle née d’un ange et d’une démone, vient le posséder et lui donne d’étranges pouvoirs. Il se met alors littéralement en quête de Dieu, qui semble avoir démissionné. Custer est épaulé par Tulip, son ancienne petite amie et Cassidy, un vampire grossier porté sur la bouteille.

Cassidy, Tulip et Jesse sur les couvertures françaises du comic « Preacher ». | Urban Comics

Dialogues orduriers, comportements bestiaux et racistes et personnages déviants au cœur d’une Amérique puritaine, les Britanniques Garth Ennis (scénario) et Steve Dillon (dessin) ont travaillé avec brio ce road-trip ultraviolent. Si celui-ci a suscité beaucoup d’indignation à son époque, il a aussi remporté de nombreux prix comme l’Eisner Award du meilleur scénariste en 1998, l’Oscar de la BD. Et en fait aujourd’hui une lecture culte pour les amateurs de comics, et un véritable précurseur pour les scénaristes les plus déjantés. Le duo Ennis et Dillon naît et connaît ses premiers succès sur Hellblazer, qui narre les aventures de John Constantine, un détective du paranormal.

Rien d’étonnant donc à ce que AMC s’offre la série Preacher. La chaîne américaine est connue pour faire des choix de séries audacieux comme Breaking Bad, et poursuit la diffusion de The Walking Dead, une autre adaptation de BD d’horreur américaine. La bande-annonce de Preacher n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’esthétique de cette série de zombies.

Deux « fans absolus » autoproclamés de la BD Preacher, l’acteur et réalisateur Seth Rogen (L’interview qui tue, Green Hornet, En cloque mode d’emploi) et son ami le producteur Evan Goldberg (C’est la fin, SuperGrave, L’interview qui tue) ont réussi après plusieurs années de travail d’adaptation à convaincre une chaîne. A l’écriture, le showrunner Sam Catlin à qui AMC doit le succès Breaking Bad. De nombreux réalisateurs ont tenté la même chose – et échoué – auparavant. Ainsi HBO déclinera en 2008 le projet de Mark Steven Johnson, le réalisateur des films Daredevil et Ghost Rider. Ce n’est pas ici la qualité de ses adaptations qui fut mise en cause par la chaîne cablée, mais le fait que Preacher était « trop sombre, trop violente et trop controversée ».

Les premières images promettent des paysages désertiques, des bouges crasseux et des personnages savoureux : c’est un second couteau des écrans, Dominic Cooper, qui incarne Custer le pasteur. Tulip sera interprétée par Ruth Negga, qui vient de monter les marches de Cannes pour Loving, le dernier film de Jeff Nichols. Et c’est Joseph Gilgun, brillant de vulgarité dans la série britannique Misfits qui endossera le rôle – et chaussera les crocs – de Cassidy. Que les fans se rassurent, le personnage de Tête de fion, le fils de flic défiguré après une tentative de suicide, a aussi sa place au casting.

Cassidy, Jesse Custer, Eugene dit Tête de fion et Tulip sont les personnages principaux de « Preacher ». | AMC

A l’image de l’adaptation télé de The Walking Dead, la série Preacher prendra des latitudes avec la BD. Ainsi l’intrigue se déroulera de nos jours et non dans les années 1990 comme à l’origine. Dans le début de saison, les téléspectateurs passeront plus de temps avec le pasteur Custer dans sa paroisse, une communauté redneck, que sur les routes, comme dans la BD. Certains dialogues trop violents ne passeront pas non plus le filtre de la télévision. Les premiers à avoir lu le script étaient plutôt conquis, mais la critique américaine décèle des faiblesses dans les premiers épisodes. Le « amen » final reviendra quoi qu’il en soit aux téléspectateurs.

La série sera par ailleurs diffusée en France sur OCS Choc à compter du 30 mai. Quant à la bande dessinée, l’éditeur Urban Comics ressort l’anthologie de Preacher en six gros volumes dont le troisième recueil est disponible depuis le mois de mars.