Le second tour de l’élection présidentielle a lieu dimanche 22 mai. En cas de victoire, le candidat du Parti libéral d’Autriche (FPÖ, extrême droite), Norbert Höfer, qui affrontera Alexander Van der Bellen, soutenu par les Verts, entend donner à la fonction un tour autoritaire. Mais quelles sont les attributions exactes et les marges de manœuvre du président dans le système autrichien ?

Le président a-t-il le droit de révoquer le gouvernement et le chancelier ?

Il peut se le permettre sans aucun problème, selon le constitutionnaliste autrichien Bernd-Christian Funk. « Il peut décider seul de démettre de ses fonctions le chancelier et le gouvernement. Il n’a pas besoin pour cela d’obtenir, au préalable, le feu vert du Parlement. » Selon le juriste Manfried Welan, le président autrichien n’a même pas besoin de justifier sa décision. Pour le doctorant en droit Mirza Buljubasic, les deux chambres peuvent toutefois lui opposer une motion de défiance : « La question est alors tranchée par référendum. Si la population soutient la décision du président, le Parlement est dissous, et de nouvelles législatives ont lieu. S’il est désavoué, de nouvelles présidentielles ont lieu. »

Le président peut-il dissoudre le Parlement ?

Oui, sur proposition du gouvernement. Le Parlement autrichien a déjà été dissous une fois en 1930 par le président Wilhelm Miklas, selon Manfried Welan. Pour Bernd-Christian Funk, la Constitution autrichienne se situerait à mi-chemin entre le régime présidentiel à la française et le régime parlementaire allemand. Si l’on en croit Manfried Welan, le général De Gaulle aurait dit au chancelier autrichien Bruno Kreisky, qui dirigea l’Autriche dans les années 1970-80, que la Ve République s’était inspirée de la constitution autrichienne, rédigée en 1920 et « présidentialisée » en 1929 dans un contexte de montée de la violence et des nationalismes.

Pour qualifier le président autrichien, le célèbre juriste français Maurice Duverger parlait d’un « géant endormi ». Manfried Welan évoque, lui, en parlant du système autrichien, un régime semi-présidentiel, avec un roi passif, le président, et un roi actif, le chancelier : « C’est pour cela qu’il est très important que le chef du gouvernement soit toujours dans l’impulsion. C’est lui qui doit donner le cap et mettre le pays en mouvement. Les sociaux-démocrates l’ont bien compris : maintenant qu’ils ont remplacé un chancelier usé par un nouveau chef, Christian Kern, ils ont repris la main et cela aura une influence sur le résultat de dimanche.» De son côté, Bernd-Christian Funk rappelle prudemment que constitutionnalistes et personnels politiques n’ont jamais totalement tiré les mêmes interprétations de la lecture des textes fondamentaux.

Le président peut-il siéger au Conseil européen à la place du chancelier ?

Dans la pratique, depuis l’adhésion de l’Autriche à l’Union européenne en 1995, c’est le chancelier, chef de gouvernement, qui siège aux réunions de Bruxelles. Thomas Klestil, le président de l’époque, avait souhaité représenter l’Autriche à Bruxelles. Ce droit lui avait été refusé, notamment parce que l’administration présidentielle n’emploie que quatre-vingts personnes, alors que le chancelier dispose d’un cabinet pléthorique, dix fois plus important. « Mais le FPÖ souhaite depuis longtemps instaurer un régime présidentiel à la française dans lequel le chef de l’Etat serait aussi chef de gouvernement », rappelle Bernd-Christian Funk. Pour représenter l’Autriche au Conseil, un président devra changer la Constitution et nécessitera pour cela des deux tiers des voix au Parlement. Il devra en plus faire valider son choix par un référendum.

Le président peut-il s’immiscer dans les débats de politique intérieure ?

Le président peut nommer les fonctionnaires, sur proposition du gouvernement. Leur nombre est en baisse constante, mais au sommet de l’Etat, le Parti libéral d’Autriche (FPÖ) pourra étendre son influence en cas de victoire et limiter celle des conservateurs chrétiens et des sociaux-démocrates, en retoquant par exemple certains noms stratégiques à des postes-clés. Par ailleurs, Heinz Fischer, le président sortant, a déjà refusé de signer un texte de loi, pointant une erreur de contenu. Pour Manfried Welan, le fait que Norbert Hofer connaisse l’ensemble de la classe politique depuis plusieurs décennies, grâce à ses fonctions politiques successives, est un élément capital portant à croire que, contrairement à ses prédécesseurs, il pourrait se servir de ses contacts pour donner une couleur plus active politiquement à la fonction présidentielle.

Le président peut-il refuser de signer le traité de libre-échange transatlantique et bloquer les discussions entre Bruxelles et Washington sur le sujet ?

Il en a tout à fait les moyens. Il peut par exemple lever le mandat de négociation du gouvernement, ce qui mettrait automatiquement fin aux discussions, selon Bernd-Christian Funk.

Le président a-t-il le dernier mot sur les questions de défense ?

Dans la pratique, sa fonction de commandant suprême a toujours été protocolaire, l’Autriche étant un pays neutre avec l’un des budgets de défense parmi les plus faibles du continent. Avec l’arrivée de l’extrême droite à la présidence, des changements à la marge ne sont pas à exclure. Le chef de l’Etat peut observer les négociations gouvernementales concernant l’armée et faire pression sur le gouvernement pour faire évoluer certaines pratiques. Il n’a pas le pouvoir, en revanche, d’influencer les décisions du gouvernement sur une éventuelle augmentation du budget de la défense.