Face au « risque sanitaire », la CGT a accepté de ne plus bloquer les conducteurs non grévistes à Paris, vendredi 10 juin. | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

A Paris, les poubelles pleines qui encombraient les trottoirs depuis plus d’une semaine disparaissent peu à peu. « En mobilisant tous les moyens publics et privés disponibles, la Ville de Paris a réussi à évacuer en 24 heures près de 2 000 tonnes de déchets », a indiqué, vendredi 10 juin, la mairie. Soit un peu moins de l’équivalent d’une journée de collecte. « Pour revenir à une situation relativement normale il faut plusieurs jours, évidemment », a toutefois prévenu, vendredi, Anne Hidalgo sur BFMTV et RMC.

L’objectif de la maire de Paris était de parvenir à lever le barrage total des garages des bennes à ordures de la régie de la Ville par les conducteurs CGT en grève depuis plus d’une semaine contre la loi travail.

Des discussions ont été engagées entre le directeur cabinet de Mme Hidalgo et celui de Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT ainsi qu’avec Baptiste Talbot, dirigeant de la fédération CGT des services publics. « Le cabinet de Mme Hidalgo voulait qu’on fasse l’effort de suspendre la grève compte tenu de l’Euro. On a dit non, affirme M. Talbot. En revanche, on s’est rangés aux arguments de la Ville sur les risques sanitaires. Nous avons donc décidé, jeudi 9 juin, de laisser sortir des garages les camions conduits par les non-grévistes »

Depuis « le geste d’ouverture » de la CGT, près des deux tiers des quelque 300 camions de la ville sont susceptibles de circuler : le taux de grévistes était vendredi de 37 %.

Hidalgo repère qu’il faut modifier la loi travail

Au lendemain de ses pourparlers avec la CGT, Mme Hidalgo a lancé un appel au gouvernement pour qu’il engage le dialogue avec les syndicats sur la loi El Khomri. « Je suis sûre qu’en mettant tous le monde autour de la table on trouvera une solution », a-t-elle déclaré en évoquant « des signaux positifs du leader CGT et du leader FO ». Mme Hidalgo a, également, estimé qu’il fallait « réécrire l’article 2 du projet de loi », principale revendication des grévistes aujourd’hui.

La CGT précise qu’il « n’y a pas eu de deal » avec la maire de Paris. « On ne s’est pas mis d’accord avec Mme Hidalgo pour que les camions sortent et qu’en échange elle mette la pression sur le gouvernement, assure M. Talbot. Après, que notre geste contribue à ce qu’elle exprime à nouveau ses convictions qui sont sincères, c’est tant mieux ! Et cela va dans le bon sens », se félicite le secrétaire fédéral de la CGT-Fonction publique.

De son côté, la mairie assure qu’elle n’a pas « jamais faibli » devant la CGT. « La maire de Paris est libre » et « on a agi sans tabou », explique son cabinet. Preuve de cette détermination : face au blocus initial de la CGT, « on a fait appel à la police pour débloquer le garage d’Ivry et le centre de traitement des déchets de Romainville », rappelle la mairie.

Appel au privé

Par ailleurs, Mme Hidalgo a recours, depuis plusieurs jours, aux entreprises privées qui collectent habituellement les ordures dans la moitié des arrondissements de Paris. Au minimum, une cinquantaine de camions appartenant à Veolia ou Derichebourg notamment, tournent depuis vendredi, en renfort, dans les dix arrondissements habituellement collectés par la régie municipale. La Ville ne donne pas l’estimation du coût de cette solution de contournement pour l’instant.

Consciente que le recours au privé n’est pas la panacée, la mairie table surtout sur l’essoufflement du mouvement parmi les conducteurs CGT de la Ville malgré le mot d’ordre de grève jusqu’à la journée d’action nationale contre la loi El Khomri, mardi 14 juin. « Seule une suspension de la grève permettra de résorber l’ensemble du résiduel de déchets », reconnaît-on à la mairie.

En dehors de Paris, la CGT bloque toujours totalement, en revanche, l’usine de tri et d’incinération qui collecte les déchets de 84 communes, dont Paris, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Les tonnes d’ordures qui n’entrent plus depuis le 30 mai dans le centre du Syctom, l’agence métropolitaine des déchets ménagers sont dispersées vers d’autres sites en passe d’être saturés, voire acheminées pour être enfouies en dehors de l’Ile-de-France. « Le blocage de l’usine d’Ivry est devenu un symbole national, voire international, du mouvement. On ne lâchera pas ! », assure M. Talbot.