Dans une tribune du « New York Times », le président sud-soudanais et son vice-président annoncent vouloir créer une commission « vérité et réconciliation ».

« Construire une nation n’est pas une tâche facile. Nous le savons, car c’est le travail de notre vie », écrivent les deux anciens ennemis jurés de la politique sud-soudanaise dans une tribune pour le New York Times, publiée mardi 7 juin.

Le président sud-soudanais, Salva Kiir, et son vice-président, Riek Machar, jugent que la paix dans leur pays passe par la création d’une commission « vérité et réconciliation » plutôt que par des procès contre les auteurs des exactions commises pendant les deux ans de guerre civile.

« Nous sommes déterminés à faire en sorte que notre pays ne traverse plus jamais une guerre civile. Même avec nos différences en fait à cause d’elles nous sommes déterminés à réconcilier nos communautés et à créer l’unité », écrivent-ils.

Le Soudan du Sud avait plongé dans la guerre civile le 15 décembre 2013 quand des combats avaient éclaté au sein de l’armée nationale, minée par des dissensions politico-ethniques alimentées par la rivalité entre Salva Kiir et Riek Machar.

Le conflit armé, notamment marqué par des massacres à caractère ethnique, des viols et des tortures, a fait des dizaines de milliers de morts (entre 50 000 et 300 000, selon les estimations) et plus de 2,3 millions de déplacés.

Première étape de réconciliation

Un accord de paix signé le 26 août 2015 n’a pas mis fin aux combats, mais a mené en février à la nomination de M. Machar comme vice-président, un poste qu’il avait déjà occupé entre juillet 2011 – date de la création de l’Etat – et juillet 2013. Un gouvernement d’union nationale a été formé après le retour de l’ex-chef rebelle dans la capitale, Juba.

« Le rassemblement du Soudan du Sud ne peut être véritablement garanti qu’en suivant une route : celle d’une paix organisée et d’un processus de réconciliation avec le soutien international », estiment MM. Kiir et Machar, qui sont accusés par l’ONU d’être responsables de la majorité des violences commises depuis le début du conflit.

« Nous avons l’intention de créer une commission nationale vérité et réconciliation sur le modèle de celles en Afrique du Sud et en Irlande du Nord, ajoutent-ils. Ceux qui diraient la vérité sur ce qu’ils ont vu ou fait seraient amnistiés, même s’ils n’ont exprimé aucun remord. (…) Le but de ce processus n’est pas de chercher le pardon, plaident-ils, mais de préparer les Sud-Soudanais pour l’immense tâche qui les attend : celle de construire une nation aux côtés de ceux qui ont commis des crimes contre eux, leur famille et leur communauté. »

Une justice disciplinaire esquivée

L’accord de paix d’août 2015 prévoyait déjà la création d’une telle commission. Mais y figurait aussi la promesse d’un « tribunal hybride pour le Soudan du Sud », indépendant, mis en place par la Commission de l’Union africaine pour enquêter sur les possibles actes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

Or, estiment aujourd’hui les deux dirigeants, « par contraste avec la réconciliation, la justice disciplinaire même délivrée dans le cadre de la loi internationale déstabiliserait les efforts consentis pour garantir l’unité de notre nation en maintenant la colère et la haine parmi le peuple sud-soudanais ».

Ils appellent ainsi « la communauté internationale, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en particulier, à reconsidérer (…) leur soutien au tribunal international prévu ».

« Nous savons que cela pourrait signifier que des Sud-Soudanais coupables de crimes de guerre seraient inclus dans le gouvernement et pourraient ne jamais être traduits en justice. Cependant, il y a des précédents récents qui démontrent que cette route est la plus à même de garantir la stabilité », concluent les deux hommes.