Limiter les conséquences du réchauffement climatique est une urgence en Afrique. Société civile, entreprises et gouvernements devraient en faire une priorité. Mais ce n’est pas encore le cas. L’Agence française de développement (AFD, partenaire du « Monde Afrique ») a mis en place en 2014 une ligne de crédit verte d’un montant de 30 millions d’euros au profit du secteur privé pour appuyer les investissements d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables en Afrique de l’Ouest.

Les récurrentes crises énergétiques auxquelles sont confrontés les pays ouest-africains obligent les petites et moyennes entreprises ou industries à se tourner vers des générateurs thermiques ou des solutions énergétiques, grandes consommatrices de carburants fossiles et souvent onéreuses.

Réduire la facture énergétique

Le programme Sunref (Sustainable Use of Natural Resources and Energy Finance) de l’AFD a pour objectif de faciliter une transition énergétique des entreprises. En vue de les inciter à se tourner vers les énergies renouvelables. « Il s’agit surtout d’aider le secteur privé en Afrique de l’Ouest à accroitre sa production tout en impulsant la culture de l’utilisation rationnelle de l’énergie dans les entreprises et en réduisant les factures énergétiques», explique Roger N’guessan, coordonnateur régional du programme.

Sunref s’adresse aux banques commerciales qui sont les ordonnateurs de la ligne de crédit dans les différents pays. Mais aussi aux petites et moyennes entreprises porteuses de projets vivables d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables. Biomasses, petites installations hydroélectriques, photovoltaïques, ou solaires, mais aussi des fermes éoliennes d’autoconsommation inférieurs à 10 MW de capacités.

Le programme intègre aussi un volet assistance technique qui vise à renforcer les capacités des banques bénéficiaires. Le groupe Orabank, partenaire privilégié de l’AFD, bénéficie de cette ligne de crédit en Côte d’Ivoire, au Togo et au Bénin. « Le groupe bancaire a été particulièrement proactif et réactif dans la mise en place de la ligne de crédit. C’est pourquoi le choix a été porté sur lui dans ses différents pays », dit Catherine Bonnaud, directrice de l’AFD au Bénin.

Le groupe Orabank, qui a pour ambition d’être une institution verte, a adopté une charte environnementale. « Nous sommes en train d’introduire graduellement des critères d’éligibilité écologiques pour le financement. Si un projet n’est pas écologiquement acceptable, il ne bénéficiera pas de crédits sur l’ensemble de nos activités », explique Rizwan Haider, directeur général d’Orabank au Bénin.

En Afrique de l’Ouest, les projets d’efficacité énergétique ou d’énergies renouvelables portés par les entreprises ont souvent du mal à trouver du financement. Non seulement ces types de projet coûtent très chers mais ils représentent aussi un risque pour les banques qui n’ont pas les ressources humaines et techniques nécessaires pour attester de leur qualité. «Les banques n’ont pas du mal à aller vers les clients. Mais à partir du moment où on touche à une technologie énergétique industrielle qui n’est pas le secteur de la banque, elle est contente d’être aidée », souligne Catherine Bonnaud,

« Sunref est un programme intéressant en ce sens qu’il permettra aux entreprises d’accéder à des prêts pour déployer des énergies vertes. Aussi, nous, banques, n’avons pas l’expertise pour financer le secteur des énergies renouvelables. Ce programme nous apporte l’assistance technique pour évaluer les projets », se réjouit Rizwan Haider.

Le programme Sunref permettra aux entreprises porteuses de projets d’accéder à des prêts à taux d’intérêts préférentiels allant jusqu’à 3 millions d’euros pour un projet d’un montant réel de 6 millions d’euros.

Sunref s’adresse aussi aux particuliers qui peuvent soumettre des projets d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables. Cela va de la mise en place d’un chauffe-eau solaire à l’installation d’un bio-digesteur pour l’approvisionnement en gaz butane. Ils pourront bénéficier de financement maximum de 67 500 euros. Les durées de remboursement vont de 4 à 12 ans pour les projets d’énergies renouvelables et de 3 à 12 ans pour les projets d’efficacité énergétique.

Réduire les émissions de gaz à effet de serre

L’enjeu est aussi d’ordre environnemental. Les programmes Sunref ont surtout participé à limiter les émissions de gaz à effet de serre dans les pays où ils ont été mis en œuvre. Ainsi au Sénégal où cinq projets ont été financés entre 2011 et 2014 dans le cadre d’une première phase pilote, les émissions de plus de 9 tonnes équivalent CO2/an ont pu être évitées tout en réduisant la facture énergétique des entreprises bénéficiaires de 29 %. Le Kenya en Afrique de l’Est et l’île Maurice dans l’océan Indien ont aussi bénéficié d’une première phase pilote du programme. 79 millions d’euros cumulés de ligne de crédits ont été injectés pour le financement de 174 projets d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables à fort impact environnemental.

Depuis 2006, les lignes de crédit Sunref de l’Agence française de développement ont permis de réduire de 14 millions de tonnes d’équivalent CO2/an à travers le financement de projets de transition énergétique dans les pays émergents (Chine, Brésil, Afrique du Sud...) et favorisé l’économie de plus d’1 milliard de KWh/an.

Ces chiffres sont éloquents et mettent en avant un caractère vertueux du programme. C’est bien pour l’image et surtout la divulgation du concept RSE (responsabilité sociale des entreprises) peu répandues en Afrique de l’Ouest. Mais pour Rizwan Haider, c’est l’aspect économique qui reste important pour les entreprises. « Les entreprises ne sont pas totalement imprégnées du concept RSE. Mais rien ne motive une entreprise si ce n’est le gain économique. L’opération Sunref n’est pas philanthropique. Cela a un avantage économique certain. Et c’est le critère important d’éligibilité d’un projet d’efficacité énergétique ou d’énergies renouvelables. »

Le programme Sunref est prévu pour durer trois ans. Il prendra fin en octobre 2017. Quelques projets ont été déjà ciblés au Bénin, mais les entreprises attendent qu’ils soient officiellement retenus.