Binali Yildirim (au centre), avec sa femme (à gauche), et le premier ministre turc sortant Ahmet Davutoglu dimanche, au congrès de l’AKP. | Riza Ozel / AP

Recep Tayyip Erdogan est sur le point d’avancer d’un pas supplémentaire vers le renforcement de ses pouvoirs de président de la Turquie. Ce pas, ce n’est pas lui qui le franchira, mais l’un des membres de sa garde rapprochée, Binali Yildirim, qui est sur le point de devenir dimanche 22 mai, le nouveau premier ministre turc.

Le congrès de l’AKP, parti au pouvoir depuis 2002, vient de l’élire à sa tête ce qui, mécaniquement, fait de lui le nouveau chef du gouvernement, les deux postes étant liés. Recep Tayyip Erdogan devrait lui demander de constituer une nouvelle équipe rapidement. Il n’y avait pas de suspense quant à cette élection, M. Yildirim ayant été le seul candidat en lice pour remplacer Ahmet Davutoglu. Ce dernier avait annoncé au début du mois qu’il ne briguerait pas le renouvellement de son mandat à la tête de l’AKP et donc de premier ministre, sur fond de désaccord politique avec Recep Tayyip Erdogan.

Depuis le vote de la levée de l’immunité des parlementaires, vendredi, ce dernier a de plus en plus les mains libres pour accomplir la réforme constitutionnelle qui donnera davantage de pouvoir au président turc. En effet, l’AKP ne disposait pas jusque-là de la majorité des deux tiers nécessaires à faire adopter une réforme présidentielle. Cette perspective est désormais ouverte par la possible remise en cause des mandats des députés menacés de poursuites judiciaires. L’opposition parlementaire et une majorité d’électeurs, selon les sondages, sont eux, hostiles, à ce projet de réforme, alors que M. Erdogan est déjà accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire.

Erdogan « architecte de la Turquie illuminée »

Accompagner le président Erdogan dans sa volonté de réformer la Constitution en faveur d’un régime présidentiel sera donc la « priorité » de Binali Yildirim, a-t-il avancé lors du congrès. Agé de 60 ans, M. Yildirim est un compagnon de route politique du président turc, dont il était jusque-là le ministre des transports et membre de son cercle rapproché.

« Notre président porte la responsabilité de notre peuple. Ce que nous devons faire, c’est une nouvelle Constitution et un système présidentiel », a-t-il martelé, dimanche, émaillant son discours de mots de loyauté et de fidélité envers son mentor, le qualifiant d’« architecte de la Turquie illuminée » et d’« homme du peuple », sous les ovations répétées de milliers de militants du parti réunis dans une salle de sports de la capitale.

Bannière à l’effigie de Binali Yildirim et Recep Tayyip Erdogan au congrès de l’AKP dimanche. | Burhan Ozbilici / AP

Le futur premier ministre s’est également inscrit dans les pas de M. Erdogan en matière de politique extérieure, exhortant l’Union européenne (UE) à « mettre un terme à la confusion sur une adhésion à part entière de la Turquie », à l’heure où certains dirigeants européens ont exprimé de sérieux doutes sur cette éventualité.

La question d’une intégration de la Turquie dans l’UE est revenue sur la table après l’accord sur les migrants, conclu avec Bruxelles, qui prévoit notamment l’ouverture de nouveaux chapitres d’adhésion à l’UE. Celui-ci est menacé, car la Turquie, qui veut une exemption de visa pour ses citoyens sur l’espace Schengen, refuse de modifier sa législation antiterroriste pour la conformer aux normes démocratiques européennes. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a fermement repoussé toute modification de cette loi, laissant présager un blocage, qui menace plus largement l’accord UE-Turquie.