Dans ce lotissement d’Emmerhout (Pays-Bas), EnergieSprong a rénové une maison des années 1960, désormais à énergie neutre. | EnergySprong

Dans les locaux de GreenFlex, au cœur de Paris, un tableau accueille les visiteurs. Signé Romain Bernini, il figure une jungle luxuriante et fait partie de la collection « Art et développement durable » montée par la jeune entreprise. Aucun écologisme de façade dans la démarche. La start-up de 180 salariés accompagne les entreprises dans leur transition environnementale et énergétique. Son savoir-faire lui a valu d’être choisie pour importer en France le projet EnergieSprong (« saut énergétique », en néerlandais). Un projet mais surtout une véritable « méthodologie », selon Sébastien Delpont, 33 ans, directeur associé de GreenFlex, pour réduire à zéro la consommation énergétique de maisons et de logements, par leur rénovation rapide. Équipées en moins d’une semaine de panneaux solaires sur le toit, de façades et de toitures isolantes, les habitations ont vocation à ne pas consommer plus d’énergie qu’elles n’en produisent.

« Bouclier énergétique »

Tout commence il y a six ans, aux Pays-Bas. « Le gouvernement néerlandais cherchait un moyen de s’attaquer à la rénovation énergétique des logements », raconte Ron van Berck, chargé du développement international d’EnergieSprong. L’équipe missionnée aboutit à un constat : si les habituels acteurs du secteur – bailleurs, constructeurs, collectivités – s’allient entre eux au lieu de se concurrencer, il sera possible de mettre en place une filière industrielle et donc de faire baisser les coûts de rénovation.

L’équipe préconise de débuter par le parc de logements sociaux, plus homogène pour lancer l’expérimentation. Et par leurs maisons individuelles, plus faciles à équiper. Les travaux garantissent un « bouclier énergétique » aux locataires. Quant au financement du projet, il se fait grâce aux économies réalisées sur trente ans.

Mais comment rendre l’expérience séduisante pour les locataires ? EnergieSprong a une idée : leur proposer, dans le même temps, un rafraîchissement esthétique de l’habitat et réaliser les travaux sans qu’ils aient à quitter leur domicile. L’organisme rénove ainsi la cuisine ou la salle de bains de ceux qui se déclarent ­partants. Plus de 1 000 rénovations ont été ­effectuées et des contrats ont été signés pour 10 000 logements supplémentaires. Restait à exporter le modèle. « Pour une industrialisation encore plus poussée, et donc des coûts encore moindres, nous devions toucher d’autres territoires », explique Ron van Berck.

« Du travail nous attend »

GreenFlex s’impose comme ambassadeur pour la France. « Ils ont la liberté, la créativité et la jeunesse de leur équipe », dit Ron van Berck. Sébastien Delpont s’enthousiasme pour le défi : « Au Pays-Bas, le coût de rénovation s’élevait à 145 000 euros pièce pour les 100 premières maisons. Avec 1 000 bâtisses, il est tombé à 70 000 euros. » Soutenue par la Commission européenne dans le cadre de son programme Horizon 2020, GreenFlex a trois ans pour adapter le modèle néerlandais. « Du travail nous attend, souligne Sébastien Delpont. Les règlements d’urbanisme ne sont pas les mêmes, le prix de l’énergie non plus. La Commission considérera que le contrat est rempli si 5 000 logements sont contractualisés d’ici trois ans. »

Accélérer les rénovations énergie zéro
Durée : 02:53

A la tête d’un consortium, la start-up a réussi à convaincre plusieurs partenaires, dont l’entreprise sociale pour l’habitat (ESH) Vilogia. « D’un côté, nous avons un patrimoine qu’il nous faut entretenir, de l’autre, on nous parle sans cesse de la hausse du prix de l’énergie », résume Eric D’ânesse, directeur technique et de l’innovation chez Vilogia. Même soutien du côté de la Caisse des dépôts et consignations : « Nous sommes la maison mère de la Société nationale immobilière [SNI]. La transition énergétique et écologique est une de nos priorités. Nous prêtons aussi à de nombreux bailleurs », rappelle Vincent Pichon, directeur de projets au département stratégie.

Tout le monde ne partage pas cette foi en EnergieSprong. A GreenFlex, on se souvient de ce commentaire émanant d’un partenaire potentiel : « Je n’y crois pas. Mais revenez me voir dans un an, je serai ravi si vous me dites que j’ai eu tort. » Sébastien Delpont y compte bien.

PRIX DE L’ÉNERGIE, LES DEUX ACCESSITS

1er : Vortex (Madrid, Espagne), pour ses générateurs éoliens sans pales.

2e : IssyGrid (Issy-les-Moulineaux, Hauts-de-Seine), premier réseau énergétique intelligent de France à l’échelle d’un quartier.