La ministre de la fonction publique, Annick Girardin, à l’Assemblée nationale, 29 mars 2016. | ALAIN JOCARD / AFP

Manuel Valls aurait dû se voir remettre, jeudi 26 mai, un rapport sur un sujet hautement inflammable : le temps de travail des fonctionnaires. Après avoir annulé ce rendez-vous – officiellement pour des « raisons d’agenda » –, l’Hôtel Matignon a finalement demandé, in extremis, à Annick Girardin, la ministre de la fonction publique, de recevoir, jeudi, ce document (révélé par L’Obs) qui dresse un état des lieux éloquent et très approfondi sur les horaires effectués par les agents employés par l’Etat, les collectivités locales et les hôpitaux.

Depuis la mise en place des 35 heures au début des années 2000, aucun bilan de cette réforme n’avait été dressé dans la fonction publique. M. Valls a donc confié, en juillet 2015, une « mission d’évaluation » à Philippe Laurent, maire centriste de Sceaux (Hauts-de-Seine) et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Cet élu connaît bien la problématique et il s’est toujours distingué par des positions équilibrées à propos des agents publics.

Dans son rapport, il a veillé à ne pas employer un ton polémique mais les constats qu’il dresse, avec fermeté, décoiffent. En se fondant sur des données de l’Insee, il remarque tout d’abord que « la durée annuelle de travail des fonctionnaires » s’élève à 1 584 heures, soit un niveau inférieur à la durée légale (1 607 heures par an). Cette moyenne, insiste-t-il, n’a pas beaucoup de sens car elle dissimule des situations d’une diversité inouïe, tenant aux conditions d’emploi et aux sujétions de service : quoi de commun entre un cantonnier, une infirmière et un directeur d’administration centrale ?

Les autorisations d’absence prolifèrent

L’hétérogénéité qui prévaut résulte aussi de singularités régionales : en Alsace-Moselle, rappelle le rapport, « le vendredi saint et le 26 décembre sont fériés » ; en outre-mer, « les agents bénéficient réglementairement du jour de la célébration de l’abolition de l’esclavage », auquel s’ajoutent d’autres « jours fériés “traditionnels” locaux » (six pour la Guadeloupe, quatre pour la Martinique, etc.). Le tableau serait incomplet si on ne faisait pas allusion aux autorisations d’absence qui « ont continué de prospérer » (une quarantaine de motifs recensés) et aux « “jours exceptionnels”, dépourvus de base légale », qui sont accordées par certains employeurs (jusqu’à cinq dans certaines grandes collectivités).

Mais le rapport met aussi en exergue les servitudes pesant sur les fonctionnaires : 36,7 % d’entre eux travaillent le dimanche (contre 25,8 % dans le privé), et la proportion de ceux qui sont soumis à des astreintes est deux fois plus élevée que dans le secteur marchand.

Au final, M. Laurent formule trente-quatre recommandations. Le premier objectif, écrit-il, « consiste à mobiliser les administrations pour tendre vers la réalisation effective des 1 607 heures ». Reste maintenant à savoir si le gouvernement s’inspirera de ces préconisations, à moins d’un an de la présidentielle. Mme Girardin assure vouloir ouvrir le débat avec les organisations syndicales et les employeurs publics.