C’est une expérimentation étonnante qu’ont menée le réalisateur Oscar Sharp et le chercheur en intelligence artificielle (IA) Ross Goodwin. Ensemble, ils ont mis au point un programme, appelé Benjamin, chargé d’écrire des scénarios de films. Jeudi 9 juin, ils ont dévoilé sur le site spécialisé Ars Technica le premier film né de cette IA. Sunspring est un court-métrage de science-fiction de 9 minutes, dont le rôle principal est tenu par Thomas Middleditch, rendu célèbre pour son rôle dans la série Silicon Valley.

Pour écrire le script, Benjamin a été « nourri » de dizaines de scénarios de films et séries de science-fiction, comme par exemple 2001, l’Odyssée de l’espace, Le Cinquième élément, X-Files, Abyss ou encore Star Trek. Ce réseau de neurones artificiels a analysé ces scénarios, y a repéré des régularités et s’en est inspiré pour écrire son propre script. Le film a ensuite été tourné dans le cadre du festival britannique Sci-Fi London, qui propose chaque année un défi consistant à réaliser un film de science-fiction en 48 heures.

Résultat : un film hors du commun, dont le scénario manque clairement de cohérence, tout comme les dialogues. « Dans un futur où règne le chômage de masse, les jeunes gens sont forcés de vendre du sang », déclare le personnage principal. « Tu devrais voir le garçon et te taire, lui répond son interlocutrice. Je suis celle qui était censée avoir 100 ans. »

La créativité de l’intelligence artificielle se développe

En dehors des dialogues, les indications fournies par le programme ont dû laisser perplexe l’équipe de tournage : « Il se tient dans les étoiles et assis sur le sol. » Heureusement, le jeu des acteurs, la mise en scène et la musique redonnent un semblant de cohérence et de liant à ce court-métrage aux allures de film expérimental. Le fait qu’il s’agisse d’un film de science-fiction rend aussi plus acceptable que le personnage principal vomisse un globe oculaire ou qu’un autre annonce qu’il doive « aller au crâne ».

Les deux créateurs de Benjamin ont observé des résultats intéressants en découvrant le scénario produit par ce programme, qui s’apparente, selon Oscar Sharp, à « une moyenne » de tous les éléments analysés par l’IA. « Il y a des choses qui reviennent souvent dans Sunspring, quand les personnages disent : “Non, je ne sais pas ce que c’est. Je n’en suis pas sûr.” Ils questionnent l’environnement, ce qu’ils ont en face d’eux. C’est quelque chose de récurrent dans les films de SF où les personnages essaient de comprendre leur environnement », explique Ross Goodwin dans les colonnes d’Ars Technica.

Ce type de technologie capable d’imiter des œuvres d’art se développe. En mai, Google a même décidé de consacrer une équipe de recherche, nommée Magenta, à la question de la créativité dans l’IA. Celle-ci a déjà produit un premier résultat : une mélodie simple de 90 secondes. Qu’il s’agisse de musique, de peinture ou d’écriture, le fonctionnement reste le même. La machine est nourrie d’une masse d’exemples, dont elle s’inspire pour créer de nouvelles productions. De cette manière, une machine est capable de reproduire, par exemple des extraits de 2001, l’Odyssée de l’espace à la manière de Picasso, ou de Star Wars selon Van Gogh.

Dans le domaine de l’écriture, un roman conçu par une IA développée par des chercheurs japonais a réussi, cette année, à être présélectionné pour le prix littéraire Nikkei Hoshi Shinichi. Un prix qui récompense, lui aussi… des œuvres de science-fiction.