Xavier Broseta, directeur des ressources humaines d’Air France, le 5 octobre. | JACKY NAEGELEN / REUTERS

Les images avaient fait le tour du monde. Le 5 octobre 2015, le DRH d’Air France avait été bousculé et sa chemise arrachée lors d’une manifestation d’employés de la compagnie qui protestaient contre l’annonce d’une restructuration menaçant près de 3 000 emplois.

En pleine épreuve de force engagée par la CGT avec le gouvernement sur la loi travail, cinq adhérents de la centrale, dont un délégué syndical, sont jugés, vendredi 27 mai, pour cet épisode. Un rassemblement de soutien est prévu devant le tribunal correctionnel de Bobigny où se déroule l’audience.

Seize salariés d’Air France au total sont convoqués devant le tribunal correctionnel : cinq pour « violences en réunion », qui encourent jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, et onze pour « dégradations » lors de la manifestation du 5 octobre.

Après avoir forcé le portail d’entrée, une cohorte de mécontents avaient envahi le comité central d’entreprise au siège d’Air France, sur le site de l’aéroport parisien de Roissy. Certains s’en étaient pris physiquement à deux responsables de la société et aux vigiles qui avaient tenté de les protéger.

Sous les cris de « à poil, à poil » et « démission », le directeur des ressources humaines, Xavier Broseta, s’était retrouvé torse nu, chemise en lambeaux. Il était parvenu à s’échapper en escaladant un grillage. En tout, sept personnes avaient été molestées, dont le responsable de l’activité long courrier, Pierre Plissonnier, qui sera également présent à l’audience.

« Inacceptable », « scandaleux », « irresponsable » : les images de la chemise arrachée avaient donné lieu à un concert d’indignations politiques. Surtout, elles avaient conforté la mauvaise réputation de la France en matière de dialogue social aux yeux des observateurs étrangers.

En retour, la déclaration du premier ministre, Manuel Valls, qualifiant de « voyous » les militants CGT, avait choqué une partie du monde salarié et suscité un débat sur la légitimité du recours à la violence physique face à la « violence » d’un plan social.

Qui a arraché la chemise du DRH ?

Qui a arraché la chemise du DRH ? Est-ce un ou plusieurs salariés ? Ou un vigile qui a tenté de l’exfiltrer ? Ces questions sont au cœur du procès qui oppose des salariés d’une même entreprise. Au moins dix plaintes ont été déposées : celles de six vigiles et trois cadres de l’entreprise pour des « violences » et celle d’Air France pour « entrave au CCE » et « dégradations ».

« On parle beaucoup des prévenus, des centaines de personnes viendront les soutenir, mais combien pour soutenir mon client, qui est aussi un salarié ? Aucune », déplore Fanny Colin, qui défend le responsable de la sécurité incendie, « agressé » alors qu’il « tentait d’endiguer le flot des manifestants ». « Il ne peut pas entendre qu’on ait voulu prendre la défense des salariés en s’attaquant à un autre salarié qui était là pour la protection de tous », ajoute-t-elle, assurant qu’on « sous-estime la violence qu’il y a eu : en dix-neuf ans d’exercice, mon client n’avait jamais vu un tel déchaînement de violence et de haine ».

Devant le tribunal, l’intersyndicale rassemblant des syndicats de pilotes, d’hôtesses et stewards ainsi que de personnels au sol appelle à se rassembler dès le début de l’audience 9 heures. Un « gros dispositif » policier est prévu autour du palais de justice de Bobigny dont le parvis doit rester inaccessible aux manifestants, a-t-on dit à l’AFP de source policière.
Les syndicats CGT, FO ainsi que SUD-aérien et Alter appellent également à cesser le travail à Air France vendredi mais, selon des sources aéroportuaires, le mouvement devrait être peu suivi.

L’intersyndicale revendique « l’arrêt des poursuites judiciaires », le « retrait des procédures de sanction à l’encontre des salariés Sol et Pilotes » et « la réintégration des quatre collègues licenciés ». Quant au cinquième salarié mis à pied, elle demande que le gouvernement valide l’avis de l’inspectrice du travail annulant son licenciement. La ministre du travail, Myriam El Khomri, doit se prononcer d’ici au 3 juin sur le cas de ce délégué du personnel CGT qui a été réintégré.