Dans une agence Pôle Emploi de Pontault-Combault, en septembre 2012. | JACQUES DEMARTHON / AFP

« Je constatais que mes étudiants faisaient de plus en plus de fautes dans leurs écrits, tout en n’ayant aucune conscience de l’impact que cela pouvait produire sur leurs recruteurs ! » C’est cette observation qui a conduit Christelle Martin-Lacroux, enseignante-chercheuse à l’institut universitaire de technologie (IUT) de Toulon-Var, à consacrer sa thèse à l’impact de l’orthographe sur la présélection des recruteurs.

CV et réseaux sociaux à l’épreuve

Et les résultats de ses recherches sont des plus probants : à expérience égale, un curriculum vitæ présentant des fautes a trois fois plus de chances d’être écarté qu’un CV à l’orthographe impeccable. Tout aussi frappant, les candidats sont encore plus sévères que les recruteurs concernant la bonne maîtrise de la langue française. « C’est ce que j’ai appelé le paradoxe de l’orthographe, explique Christelle Martin-Lacroux. Même s’ils n’ont pas toujours les compétences pour écrire correctement, les candidats ont intégré l’importance de l’orthographe dans le cadre professionnel. » Et le panel questionné par la chercheuse estime que la non-maîtrise de l’orthographe est un signe de laxisme, de défaut de politesse vis-à-vis du recruteur, voire même de manque d’intelligence.

Quant aux recruteurs, « ils sont à la recherche d’indices de fond comme de forme pour déterminer l’employabilité des candidats, analyse cette spécialiste d’économie et de gestion commerciale. La présence de fautes d’orthographes peut les décourager de rencontrer le candidat ».

Et il n’y a pas que le CV ou la lettre de motivation qui sont passés au crible. Selon une enquête menée par RégionsJob en 2013, sur les 60 % de recruteurs qui étudient les profils des candidats sur les réseaux sociaux, 71 % repartent avec un a priori négatif face à des fautes. Un point de crispation très franco-français, puisque Christelle Martin-Lacroux a constaté que les Anglo-Saxons sont beaucoup moins exigeants concernant les compétences langagières.

L’orthographe à la peine

La maîtrise de l’orthographe est un débat récurrent ces dernières années auprès des pédagogues comme des politiques. Plusieurs études ont en effet démontré une baisse générale du niveau des Français. Selon une enquête menée par le projet Voltaire, qui publie son deuxième baromètre sur les liens des Français à l’orthographe, les sondés maîtrisaient 43,25 % en 2016 des règles de l’orthographe contre 51 % en 2010.

Une baisse dont la cause ne fait pas l’unanimité, mais qui semble déterminée par plusieurs facteurs, comme la difficulté du français ou l’évolution des méthodes d’apprentissage. Christelle Martin-Lacroux note également un certain assouplissement des critères de notation des enseignants : « En 2015, l’académie d’Aix-Marseille avait ainsi donné comme consigne aux examinateurs du baccalauréat général de n’enlever que 2 points s’ils corrigeaient des copies présentant au moins dix fautes graves par pages. »

Selon le projet Voltaire, qui propose notamment des accompagnements orthographiques à plus de 1 000 établissements primaires, secondaires et supérieurs, les règles les plus complexes à assimiler sont les règles grammaticales. Et la règle la moins maîtrisée pourrait bien servir aux futurs candidats. Ainsi, vous écrirez « à l’attention de » au moment d’adresser votre candidature à un recruteur, en rédigeant votre lettre de motivation, mais vous rédigerez CV et lettre de motivation avec l’« intention » d’attirer son regard !

« à l'attention de » ou « à l'intention de » ?
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