Dénoncer les dangers de la radicalisation à un auditoire musulman, tous les soirs pendant le ramadan : c’est le pari de Radio Salam, basée à Villeurbanne. Chaque soir, entre 17 heures et 21 h 30, juste avant la rupture du jeûne, la radio associative aborde la religion ou la vie quotidienne, avec pour fil conducteur la volonté de déjouer l’utilisation violente de l’islam. « Méfiez-vous des enfants qui ne parlent pas, là où il n’y a pas de paroles, il y a de la violence », dit par exemple Saïda Douki, psychanalyste, à propos des adolescents qu’on croit sans problème, alors qu’ils sont des « proies idéales pour tous les dealers, de drogue ou de djihad ».

Treize chroniques se succèdent à l’antenne, entrecoupées de musique, de poèmes, de recettes de cuisine et de quelques publicités incitant aux dons. « Nous n’avons pas la prétention d’éradiquer la radicalisation, c’est un phénomène complexe, un jeune ne devient pas terroriste en trois jours. Nous cherchons à donner des outils aux familles pour déceler les signaux précurseurs », explique Wafa Dahman, directrice de la radio. « Nous touchons la sphère familiale, nous dépassons les grandes campagnes des pouvoirs publics, nous ressentons ce qui pose problème, nous sommes dans l’action de terrain. »

« Réfléchir à un contre-discours »

Pour s’adresser aux jeunes qui pourraient céder aux apprentis sorciers de la parole divine, Ghaleb Bencheikh cite à l’antenne le verset 59 de la sourate 4 : « Vous qui avez cru, obéissez à Dieu, au Prophète et au détenteur de l’ordre parmi vous. » Avec ce « et », qui induit une simultanéité du religieux et du politique, l’islamologue s’amuse à voir un signe de laïcité dans le Coran même.

Le choix des invités fait le pont entre cultures arabe et française. Quand elle constate le déclin de la figure paternelle dans la plupart des profils des terroristes impliqués dans les derniers attentats, la psychanalyste Saïda Douki explique à l’antenne les particularités de l’autorité paternelle dans les mentalités arabo-musulmanes et dénonce avec plus de pertinence le piège tendu par les islamistes à travers une autorité de substitution.

Créée voici vingt-cinq ans, Radio Salam veut démontrer que la donne a changé chez les Français musulmans, depuis les attentats de 2015. Elle affiche une volonté de regarder les choses en face. Au lendemain de l’assassinat d’un couple de policiers à Magnanville (Yvelines), Azzedine Gaci traduit ce verset : « L’homme n’est pas sur Terre pour détruire la vie mais pour la donner, la préserver. »

Désolé de voir sa religion mal perçue, à cause des concepts religieux dévoyés par l’idéologie islamiste, le recteur de la mosquée Othmane de Villeurbanne affirme, lundi 27 juin sur les ondes de Radio Salam : « Il est urgent d’étudier les moteurs de la radicalisation, ses lieux de production, il faut réfléchir à un contre discours en provenance des responsables religieux et des imams en particulier. »