Les Espagnols sont appelés aux urnes dimanche 26 juin pour de nouvelles élections générales, juste après l’ouragan du « Brexit » au Royaume-Uni, pour décider s’ils gardent la droite au pouvoir ou changent de cap comme les y invite le parti anti-austérité Podemos, qui a le vent en poupe.

Trente-six millions d’électeurs sont attendus dans les bureaux de vote pour ces élections législatives, seulement six mois après le précédent scrutin, le 20 décembre, qui n’avait pas permis de faire émerger une majorité.

En décembre, les Espagnols s’étaient déjà prononcés pour un changement, en punissant les deux grands partis qui rythmaient la vie démocratique du pays depuis plus de 30 ans. Le Parti populaire (PP) du chef du gouvernement conservateur sortant Mariano Rajoy, a ainsi perdu sa majorité absolue, obtenant 28,7 % des suffrages, même s’il est arrivé en tête. Il est encore favori pour ce scrutin. Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) avait, lui, enregistré le pire résultat de son histoire, tout en restant deuxième. Ces deux partis avaient dû céder des sièges à deux nouvelles formations : Podemos et le libéral Ciudadanos.

Mais depuis six mois, le nouveau souffle incarné par l’arrivée au Parlement de jeunes députés en manches de chemise, jeans ou dreadlocks a tourné au blocage. Personne n’a voulu investir un nouveau gouvernement de Mariano Rajoy, dont la formation est mise en cause dans de multiples affaires de corruption.

Et les frères ennemis de la gauche – le PSOE et Podemos – n’ont pas réussi à s’entendre pour nouer une alliance qui aurait pu, avec le soutien de petits partis régionaux nationalistes ou indépendantistes, former un autre cabinet.

La quatrième économie de la zone euro est donc dirigée depuis décembre par un gouvernement sortant qui ne peut qu’expédier les affaires courantes, et n’a le droit d’engager aucune nouvelle dépense ou réforme. Le roi Felipe VI a ainsi convoqué de nouvelles élections.

Un risque fort d’abstention

Certains électeurs, déçus par les querelles entre partis pourraient cependant ne pas se rendre aux urnes, alors que pour certains les vacances ont commencé. Si beaucoup préféraient la plage à l’isoloir, le PP pourrait en sortir renforcé car en Espagne, les abstentionnistes étant plutôt à gauche, selon les instituts de sondage.

En attendant, la campagne a pris un air de second tour opposant essentiellement les conservateurs à la coalition Unidos Podemos formée par Podemos, les néocommunistes de la Gauche unie (Izquierda unida, IU) et divers mouvements régionaux : un duel ayant de facto écarté le Parti socialiste.

Mariano Rajoy, 61 ans, au pouvoir depuis 2011, a appelé les électeurs « modérés » du centre à le rejoindre pour faire barrage aux « extrémistes », « populistes » et « radicaux » de Podemos. « Ce n’est pas le bon moment pour des expérimentations », a-t-il martelé encore vendredi, après l’annonce du Brexit et alors qu’à Madrid l’indice des valeurs vedettes de la Bourse dégringolait. M. Rajoy a fait campagne sur la nécessaire poursuite des réformes, qui préservera selon lui la croissance retrouvée.

« #BreyExit »

Depuis 2011, les conservateurs ont adopté une réforme ultra-libérale du code du travail et imposé au pays la cure d’austérité draconienne que souhaitait la Commission européenne, réduisant les aides aux plus démunis. La croissance a atteint 3,2 % du PIB en 2015. Mais s’il a bien baissé, le chômage reste à 21 % et les inégalités se sont creusées : 22 % des Espagnols sont aujourd’hui menacés par la pauvreté.

Podemos, allié du grec Syriza, se pose depuis sa naissance en 2014 en porte-parole de ces sans-voix qui ne se sentaient plus représentés par une classe politique jugée trop corrompue ou lointaine, à Madrid et Bruxelles. Selon les sondages, la coalition menée par Podemos a des chances de passer de la troisième à la deuxième place, juste après la droite, dépassant le PSOE, confronté à une crise d’identité.

Sur les réseaux sociaux, ses partisans défendaient samedi soir le #BreyExit, en référence au deuxième nom de famille de Mariano Rajoy, Brey. Les premiers résultats officiels sont attendus dimanche vers 22 h 30.