Quelque 300 000 Français vivent outre-Manche. | BEN STANSALL / AFP

Les conséquences du « Brexit » – la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) – sur la vie des salariés ne sont pas immédiates, mais elles pourraient être considérables des deux côtés de la Manche, tant au niveau individuel que collectif.

Pour l’instant, les Britanniques appartiennent toujours à l’UE. L’activation de la clause de retrait, le désormais fameux article 50, n’est pas prévue avant octobre. Et la sortie elle-même du pays pourrait ne pas être effective avant deux ans.

Mais les 300 000 Français résidant outre-Manche – dont 17,6 % de binationaux – n’attendront peut-être pas le détricotage des législations pour réorganiser leur propre vie.

Au niveau individuel, « les conséquences vont être importantes »,estime Sylvain Niel, avocat de droit social chez Fidal. La sortie de l’UE remet en question la libre circulation des travailleurs, la protection sociale européenne et le permis de travail.

« Les Britanniques qui travaillent en France devenant citoyens non européens devront en effet obtenir un permis de séjour et un permis de travail. De même pour les Français travaillant au Royaume-Uni »,explique Sylvain Niel.

En revanche, pas de changement pour le contrat de travail qui, lui, reste immuable jusqu’à son terme. « Le contrat de travail n’est pas remis en cause, c’est le statut social du salarié qui change. Ainsi un salarié français qui, au titre de son statut de “travailleur détaché”au Royaume-Uni, a accès aux soins dans les hôpitaux britanniques perdra cette couverture sociale, [au moment de la sortie de ce pays] de l’UE. Le salarié ne peut plus y être détaché »,expose Thierry Clerc, avocat spécialiste du droit international et européen, membre du réseau Eurojuris.

« Décider de partir »

« Avec la fin, au Royaume-Uni, des transferts de prestations sociales versées aux Européens par les pays d’accueil – retraite, santé, emploi –, il appartiendra aux entreprises de prévoir des systèmes d’assurance pour gérer la protection sociale de leurs salariés »,ajoute François-Xavier Michel, avocat de droit social au cabinet Cornet Vincent Ségurel. « Entreprises et salariés vont évaluer le rapport coût-bénéfice du “Brexit” sur leur propre situation et pourraient décider de partir », précise-t-il.

Au niveau collectif, la représentation du personnel sera, elle aussi, remise en cause. Dans les groupes internationaux, les employés sont informés et consultés par le biais des comités d’entreprise européens (CEE), obligatoires pour plus de 1 000 salariés. Le CEE intervient sur les questions transnationales : par exemple, les projets de fermeture de sites en Europe.

« Les groupes devront anticiper la sortie des représentants britanniques, qui ne seront plus légitimes pour siéger aux CEE. Et plus compliqué : la disparition du CEE, lorsque la société mère est anglaise. Ainsi, lors d’une fermeture de sites, faute de CEE, la consultation des représentants devra se faire pays par pays, il n’y aura plus de vision transnationale », explicite Sylvain Niel.

En France, près d’un salarié sur deux travaille pour une multinationale. Celles dont la maison mère est au Royaume-Uni employaient 184 000 personnes en France en 2013, selon l’Insee.

Enfin, autre impact pour les salariés : les effets de seuil. L’effectif des multinationales se calcule au niveau européen et certains droits ne sont accordés qu’à partir du seuil de 1 000 salariés. Si l’on ôte les salariés britanniques de l’effectif européen, des entreprises passeront sous le seuil des 1 000. Juste un exemple : en cas de licenciements collectifs, les personnes concernées n’auront plus droit au congé de reclassement, qui leur permet, durant quatre à douze mois, de se former, en gardant une rémunération et leur couverture sociale.

La perte de droits pour les salariés pourrait donc être importante. A moins que le Royaume-Uni ne décide de créer un régime transitoire, ou « ne rejoigne l’Espace économique européen, dont les membres (UE et Islande, Norvège, Liechtenstein) bénéficient de la libre circulation des personnes »,suggère François-Xavier Michel.