L’avis du « Monde » – on peut éviter

Artisan de quelques gros succès de la comédie ­populaire (Jet-Set, Disco…), Fabien Onteniente est connu pour être le réalisateur de Camping. La gamme fête cette année ses dix ans d’existence avec une troisième version, et la maison Pathé met les petits plats du marketing dans les grands pour la transformer en franchise digne de ce nom, après les cinq puis quatre millions de spectateurs respectivement caravanés par les deux premiers véhicules. Aux Américains, donc, Batman et Hunger Games, aux Français Les Tuche et Camping. A chacun ses mythologies, et les spectateurs seront bien gardés.

Petit rappel, donc, des épisodes précédents. Le premier volume (2006) voyait Gérard Lanvin, chirurgien en rade sur la route de Marbella (Espagne), stopper au camping des Flots bleus à Arcachon, où son sentiment de supériorité sociale allait se dissiper au contact de la faune locale. On aura nommé Patrick Chirac (Franck Dubosc en playboy mythomane et ringard), Jacky Pic (Claude Brasseur en ivrogne râleur), Paul Gatineau (Antoine Duléry en droguiste macho et bellâtre), leurs dames, et quelques autres encore.

La suite (2010) envoyait un courtier en assurances interprété par ­Richard Anconina soigner ses maux de cœur aux Flots bleus, où il se fondait plus rapidement que son prédécesseur dans le paysage.

Une certaine idée de la France

Ce sont aujourd’hui trois adolescents fauchés qui se retrouvent, à la suite de quelques anicroches de logement, sous la tente du bon ­Patrick Chirac, devenu avec le temps une sorte de vieux garçon maniaque (Pic, quant à lui, a chopé Alzheimer). Le fossé générationnel s’ajoute à la fracture sociale, laquelle se ­déplace du côté des belles demeures du Pyla (Gironde), chez une famille de parvenus parisiens en villégiature dont la fille fréquente les trois garçons. Pour le reste, c’est kif-kif. Gags éculés, humour crasse, apologie du quant-à-soi, personnages confits dans leur médiocrité qu’un doigt de tendresse fait semblant de rattraper, in extremis, par le slip.

La recette de ce délicat ragoût est en béton armé. Un fond de sauce qui définit par la grâce du camping une certaine idée de la France ­populaire : râleuse, étroite, mauvaise coucheuse, avachie, concupiscente, machiste, mais censément bon enfant nonobstant une hygiène relative. Par-dessus, on varie le plaisir en jetant à chaque fois un nouvel élément, violemment ­allogène, dont la vocation est de se fondre immanquablement dans le brouet. Et tant mieux si ledit élément est le représentant d’un public que le film voudrait fédérer, comme c’est le cas pour la jeunesse dans ce Camping 3, qui invite en sus des trois adolescents le youtubeur Yvick Letexier (Mister V) dans un petit rôle et Gandhi Djuna (Maître Gims) à la bande originale.

La nature du rire que propose le film, loin de les fédérer, sépare ses spectateurs

Il en va ainsi de Camping comme de la plupart des comédies françaises depuis la Libération. Son but, en cela identique à son intérêt, est de réunir tous les citoyens sans distinction d’âge, d’opinion ni de classe, autour de cette valeur commune et rédemptrice qu’est le rire. Le problème est que Camping est trop clivant pour y parvenir. Que la nature du rire qu’il propose, loin de les fédérer, sépare ses spectateurs. Voyez les champions de la comédie populaire : La Grande ­Vadrouille, Bienvenue chez les Ch’tis ou Intouchables. Leur succès tient à ce que le rire qu’ils déclenchent permet aux personnages et aux spectateurs de s’en sortir par le haut, qu’il s’agisse de résister aux nazis ou de surmonter les préjugés nationaux. Camping s’y essaye sans y croire, mais n’aime rien tant, au fond, que de pisser dans la piscine pour le plaisir de voir les baigneurs y mariner.

Camping 3 - Bande-annonce officielle HD
Durée : 01:55

Film français de Fabien Onteniente avec Franck Dubosc, Claude Brasseur, Mylène Demongeot, Antoine Duléry (1 h 45). Sur le Web : www.cinemasgaumontpathe.com/films/camping-3