Les Espagnols retournent aux urnes ce dimanche 26 juin avec la sensation que le choix du prochain gouvernement ne leur appartient pas, mais dépend d’accords post-électoraux incertains. | JORGE GUERRERO / AFP

A l’intérieur du centre culturel Gloria-Fuertes, au nord de Madrid, les queues sont longues à midi pour voter. Maillots de bain qui dépassent des tee-shirts, vélos d’enfants garés devant l’entrée, les habitants de ce quartier bourgeois ont fait une petite pause au milieu de ce dimanche estival pour mettre leur bulletin dans l’urne.

Six mois après avoir voté, les Espagnols sont à nouveau appelés aux isoloirs pour élire 350 députés et 208 sénateurs ce 26 juin. A 14 heures, la participation était semblable à celle des précédentes élections législatives du 20 décembre, qui n’ont pas permis de former un gouvernement. Les votes seront-ils, eux, identiques, ou permettront-ils de dégager une majorité plus claire, à gauche ou à droite ?

Bureau de vote dans le centre culturel Gloria-Fuertes, au nord de Madrid, le 26 juin.

« Je suis un peu fatigué de voter, reconnaît Santiago Perez, ingénieur de 44 ans. Mais je crois que la situation va changer, il y aura forcément des accords, cette fois, car c’est impensable qu’il y ait de troisièmes élections. » Lui n’a pas changé son vote : le Parti populaire (PP, droite).

« J’ai hésité jusqu’au dernier moment »

En décembre, le PP était arrivé en tête des élections avec 28,7 % des voix, loin devant le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE, 22 %), mais il avait été incapable de trouver des alliés pour obtenir la confiance de la majorité du parlement.

Marita Guareño, directrice de ressources humaines de 39 ans, va elle aussi voter pour le PP. Mais c’est un « retour au bercail », après avoir voté pour le petit parti ultraconservateur Vox en décembre. « J’ai hésité jusqu’au dernier moment, reconnaît-elle. Car sincèrement je pense que Vox est le parti qui me représente le mieux. Mais ils ne vont obtenir aucun député, comme en décembre, et je préfère que le vote à droite ne se divise pas cette fois-ci. J’ai trop peur qu’il y ait un changement de cap dans le pays si la gauche l’emporte… »

Bureau de vote dans le centre culturel Gloria-Fuertes, au nord de Madrid, le 26 juin.

Veronica Mergil, aussi a changé son vote par rapport aux élections d’il y a six mois, « pour éviter que ne l’emporte le parti que je ne veux pas voir gagner : Podemos », explique cette jeune assistante dentiste de 33 ans. Elle votera pour le PSOE, après avoir voté pour le parti centriste et libéral Ciudadanos en décembre, pour que les socialistes ne soient pas relégués comme troisième force politique par l’alliance entre le parti de la gauche anti-austérité Podemos et les néocommunistes de la Gauche unie (IU, Izquierda unida), Unidos Podemos.

Seule nouveauté du scrutin, cette alliance pourrait, selon les sondages, passer devant le PSOE, devenant la deuxième force politique derrière le PP. « Ce serait incroyable, se félicite de son côté Sara, informaticienne au chômage de 37 ans. Ce soir, on a invité des amis à la maison, et pour chaque siège au parlement de Podemos, on boira un chupito [un petit verre d’alcool]. » Convaincue que le PSOE et Podemos parviendront à se mettre d’accord malgré leurs différents pour ravir le pouvoir au PP de Mariano Rajoy, elle n’a pas changé son vote.

Campagne très polarisée

Tout comme Carolina Fernandez et Antonio Serrano, casques de cyclistes sur la tête, venus avec leurs deux enfants et qui ont, eux, voté de nouveau pour Ciudadanos. « Parce que le PP, notre ancien parti, est corrompu, » disent-ils. Et ils n’ont pas cédé aux appels de M. Rajoy de concentrer les voix de la droite pour éviter que ne gagne Podemos, lors d’une campagne très polarisée entre ces deux partis.

Bureau de vote dans le centre culturel Gloria-Fuertes, au nord de Madrid, le 26 juin.

Dans le bureau de vote, l’ambiance est plutôt à la résignation. David Rabaden, étudiant en son et image de 20 ans, avait voté pour la première fois en décembre, avec enthousiasme. Il est revenu en traînant les pieds. Après avoir voté pour Podemos, il promet de « mettre les quatre bulletins des principaux partis déchirés » dans l’enveloppe. « Ça ne sert à rien de voter. En tout cas, ça ne sert pas pour améliorer le pays, seulement aux intérêts de partis des uns et aux envies de pouvoir de certains… », dit le jeune homme, boucle d’oreille et tatouages, d’un ton désabusé, devant le sourire de son père, fidèle électeur du PP.

« Je n’attends pas grand-chose du résultat de ce soir, je peux me l’imaginer : ce sera plus ou moins similaire au 20 décembre, affirme Marcos Prieto, gérant d’une multinationale allemande de 43 ans. En revanche, je suis impatient de savoir ce qui se passera dans les prochaines semaines… »